Après avoir traversé Honfleur sous une pluie battante, nous rejoignons le Marais Vernier, le moral un peu dans les chaussettes. Nous sommes immédiatement mis au sec par Christine et Thierry. Feu de bois, sanglier mijoté, et vin rouge coulant à flot, donnent le ton de cet accueil sublime. Nous resterons deux nuits dans cette belle longère normande autoconstruite.
Le lendemain, nous plongeons 15 000 ans en arrière avant la transgression flandrienne.
La Seine creuse son lit dans les falaises calcaires à coup de gros blocs de glaces échappés des glaciers. Dans ce lit, va se créer après la remontée de la mer, un immense bras mort ou s’installe une tourbière et toute la faune et la flore allant avec. C’est depuis un point de vue sur cet amphithéâtre au naturel que Thierry (écologue) accompagné de Cheere (sociologue) nous racontent comment l’histoire des hommes des marais a rencontré celle de la géologie. Les hommes s’installent sur la partie rocheuse de la falaise, ils chassent, pêchent et envoient leurs troupeaux sur le marais.
L’histoire du Marais Vernier est aussi celle de la folie des assécheurs de marais, lorsqu’ils tentent d’y faire pousser des céréales ou de créer une ferme modèle. En vain. Les tourbières sont rétives à l’assèchement.
Depuis près de 40 ans, Christine Le Neveu et Thierry Lecomte, biologistes et écologues, soutiennent la remise en eau normale du marais, notamment en cherchant des animaux susceptibles de vivre et d’utiliser les fourrages et joncs du Marais. Les vaches Highland originaires d’Ecosse, très rustiques, sont associées aux chevaux de Camargue. 40 ans après, l’expérience est fructueuse, le jonc recule et une flore de zone acide réapparaît. Outre les mammifères, la faune d’insectes et de petit batraciens pullule, nourrissant les oiseaux, hérons, passereaux. Ainsi sont réinstallées toutes les strates de l’écosystème, signe de la capacité des humains à réparer leurs terribles actes de destructions.
Pierrot