La Réserve du Bishnoï organise vendredi et samedi la 3e édition de son festival militant, à Ernolsheim-Bruche. Toujours contre le GCO, placée à l’arrivée d’un tour cycliste alternatif, l’association pense à l’après et se mobilise pour la transition sociétale.
Le Bishnoï (*) avait semé avec l’été, il doit maintenant faire germer. Et pour cela va manier l’arrosoir un jour et demi durant. On parle ici de la petite graine du grand projet d’un vivre autrement…
Début juillet, ce fakir indien moustachu et enturbanné, réincarné localement en habitant d’Ernolsheim anti-GCO, avait en effet retrouvé ses condisciples devant la projection de Qu’est-ce qu’on attend ? de Marie-Monique Robin. Le documentaire retrace la démarche du village haut-rhinois d’Ungersheim, qui s’est lancé dans la transition écologique.
« Sortir de l’opposition »
S’il ne s’agit pas à proprement parler de dupliquer l’expérience, la cinquantaine de membres – dont une dizaine très actifs – regarde par-dessus le pont du Grand contournement ouest : au-delà du dossier d’A355, ils veulent vivre autrement, et « sortir de l’opposition » pour « être dans la construction ». Et profiter du festival pour en parler.
L’édition de cette année, la troisième consécutive, s’est calée sur l’arrivée de l’AlterTour 2018 (raison pour laquelle la date a glissé du printemps à l’été). Partie mi-juillet d’Amiens, cette manifestation cycliste itinérante rallie des alternatives et des lieux de résistance.
Ernolsheim-Bruche en est l’étape finale, parce qu’elle est voisine de Kolbsheim et de… sa Zad. Car depuis le rendez-vous #2, la lutte antiGCO a accouché d’une Zone à défendre, vécu avec elle deux grosses anicroches parmi de multiples rebondissements : en septembre et mars, les machines de Vinci (ou travaillant pour) qui débarquent ; tout au long de l’année, des avis négatifs des autorités environnementales, des prises de positions politiques, un procès pour des Zadistes…
Somme d’actualités qui ont sorti le troisième raout de sa « réserve » de Kolbsheim, entre la maison éclusière et le moulin, friche mordant déjà sur le ban d’Ernolsheim-Bruche, vers lequel il déménage cette année. Les autorités se sont plus que jamais assurées que la sécurité serait en place. Rappelons-le, depuis le 20 juin l’enclave des opposants est expulsable et les travaux préparatoires de déboisement seront à nouveau autorisés du 1er septembre au 15 octobre.
La sous-préfecture a reçu Guillaume Bourlier, organisateur en chef aux côtés – à l’instar des autres fois – des associations Qualité de vie de Duppigheim (Monique Mebs) et Duttlenheim (Sylvain Metz). Et si la municipalité tenait auparavant à se démarquer, et n’y être associée ni de près ni de loin, cette année, elle a accepté de mettre à disposition un point d’eau et de la main-d’œuvre communale.
Bien sûr, la cause originelle de ce festival Bishnoï – la lutte antiGCO et la fédération de ses divers mouvements locaux, ruraux et urbains – demeure et tiendra stand. L’un parmi la trentaine, rangée en quatre carrefours : « Vélo » (Vélorution, Bretz’selle, AlterTour, Alternatiba…), « Grands projets inutiles ou imposés » (Stop Fessenheim, Bure, Confédération paysanne, Stuttgart 21, A45…) ; « Associations environnementales » (Alsace nature, LPO, église protestante, apicultrice – vendredi uniquement –…); «Consommation et déchets » (EurOasis, Stück, Amap de Pfettisheim, compostage, Do it yourself, vente en vrac, poulailler…).
Les visiteurs, après s’être vus [ironiquement] remettre un ticket de péage, hôtel à insectes en tombola à la clé, seront invités à emprunter le « Chemin de la Transition ». Plutôt que l’« Impasse Robert-Herrmann » [du nom du président de l’Eurométropole, pro GCO], dont la non-issue sera signalée par la benne à ordures du festival. Au bout du Chemin, par contre, un café associatif, du moins une esquisse de celui dont rêve pour son village Guillaume Bourlier. « Un endroit où l’on se rencontre, pour discuter et échanger sur le ‘‘comment changer les choses’’, à son échelle. »
Au niveau local
« L’idée, c’est d’être positif », explique le chef des Bishnoïs, pour le festival et la suite. La Réserve va tenir AG à l’automne et modifier ses statuts en conséquence. « On veut dépasser la simple dénonciation de ce qui ne tourne pas rond sur notre planète, et pour cela il faut se prendre en main au niveau local. Il ne faut pas attendre que ça vienne d’en-haut ! Le GCO n’est qu’une partie du problème, notre société consomme trop, produit trop d’emballages, utilise trop de voitures… » En tête : deux défis, l’un « zéro déchet » (avec le soutien des deux communes Ernolsheim-Bruche et Kolbsheim), l’autre « zéro kilomètre ».
L’ambiance, à l’instar des deux précédentes manifestations, se veut familiale et festive. Des concerts, des projections de documentaires, ainsi que des visites naturalistes, sont prévus tout au fil de la soirée puis journée. Coup d’envoi vendredi à 16 h 30, puis retrouvailles samedi à midi.
L’AlterTour est annoncé pour 17 h, passé la veille par la Maison Mimir (« espace social autogéré » de Strasbourg) et parti le jour même du Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg à 14 h 30. Devrait lui succéder celui de la très engagée Claire Chevrier, ancienne Zadiste, partie lundi à cheval d’Obersteinbach avec un petit groupe de cavaliers.
Question affluence, l’organisation vise une fréquentation similaire à celle de l’an passé : 2 000 visiteurs sur les deux jours. Et attend des militants, mais pas que… « Quand on pense ‘‘changement’’, on se sent seul. Il faut fédérer les énergies. On est dans l’esprit de responsabilisation, de reprise en main », répète Guillaume Bourlier. L’édition dernière, le nombre de stands avait doublé. Cette fois, une petite centaine de bénévoles de la communauté des Bishnoïs sera sur le pont. Auxquels se joindront les guiboles de l’AlterTour, après celles de sa consœur Alternatiba quinze jours plus tôt. Le Bishnoï entretient bien sa plante.
N.S, Dernières Nouvelles d’Alsace, le 21/08/2018