07h30 : Réveil à la guitare. Ploink, ploink. « Il avait un tout petit zizi et un gros cul, le près Ubu… ».
07h40 : On marche sous les pommiers dans le champ de paille dorée. Les tiges des arbustes en croissance ont crevé le plancher de sol des trop vieilles tentes.
07h55 : Lalalalala … On chante « La baleine bleue cherche de l‘eau… O H 2O »
Les bouches s’arrondissent en cœur pour former le « O » de la molécule d’oxygène.
08h00 : « C’est le 24 heures du kimono depuis hier soir. ». Bruno, élégant en bleu et blanc.
08h05 : « Ah ! C’est l’équipe yoga qui arrive au petit déjeuner.
08h34 : Chaque jour, des nouveaux arrivent, chaque jour, des anciens partent. On ne pleure pas !
09h40 : Équipe fleurs sous la serre. – On arrache le pourpier, le mouron rouge, le plantain… – Faut couper la ficelle bleue. – J’ai un couteau !
Sylvie : « Mon arrière grand-père disait : quand la laine est emmêlée, il ne faut pas chercher les nœuds, il faut dérouler. Les deux bouts extrêmes ne font pas les nœuds. Il était braconnier mon grand-père, il vendait des peaux de taupe. C’est super soyeux. Quand je pense que je regardais ça quand j’étais petite. »
Les tomates pendent tendrement, leurs pieds alignés comme de braves petits soldats et le port maintenu au garde à vous par des ficelles qui pendent du plafond de l’immense serre blanche.
Le plastique c’est fantastique : Sur le sol, couverture tissée de plastique vert ; sur les plants, mince voile de plastique blanc ; pour les serres ; tentes de plastique mi blanc, mi transparent ; les tuyaux d’arrosage en plastique bien épais ; et nos ficelles sont autant de fil de plastique bleus torsadés…
La chaleur monte mais les arceaux de la future serre montent aussi. Le plastique c’est fantastique ! Brrr brrr fait encore le tracteur. – Ploink ploink font les barres des arceaux qu’on assemble. La folle avoine élève le long du chemin ses murs de dentelle or.
12h00 : La salle se baptise BAR. Il y fait frais. Réunion de multiprises surchargées de téléphones mobiles sur une chaise. Ces téléphones me rappellent les Tamagochi d’il y a 20 ans, ces petits animaux de compagnie électroniques qu’il fallait nourrir plusieurs fois par jour. Je crois rêver !
Je m’étonne de la croisée de nos rêves de nature et notre réalité connectée par l’électronique.
13h00 : Dutty lève les deux bras vers le ciel, mains ouvertes, mouvement magique que tous reprennent. Le silence se fait dans cet espace vide ouvert au cœur du collectif pour le collectif.
« On vous a fait du pourpier mais on n’avait oublié de le distribuer. Alors je vais passer parmi vous. »
14h00 : Sieste dans l’espace repas pendant que l’équipe vaisselle lave nos super assiettes en inox. Super parce qu’elles sont mi creuses, mi plates, parce qu’elles sont belles parce qu’elles sont légères, parce qu’elles s’emboîtent bien et parce qu’elles ne sont pas en plastique même si le plastique est fantastique.
La chaleur monte encore mais nous sommes assis dans la prairie à l’ombre de 5 bouleaux, 3 chênes d’Amérique, et un énorme chêne pédonculé (dont les glands sont reliés à leur branche par un pétiole et non collés directement).
15h30 : Pierre qui était d’Atelier Poulailler raconte : « À côté du poulailler, il y a un chêne immense. Son houppier est tellement grand qu’il touche le ciel. Il est harmonieux, il a un port naturel il n’a pas été touché par l’homme. On voit rarement ça maintenant. On pourrait installer… il hésite, réfléchit et finit sa phrase : « …cent villageois dessous ! »
Pierre est d’humeur poétique avec son arbre légendaire. La surprenante image des cent villageois à l’abri de ce vieux grand-père multi centenaire me réjouit.
Un nouvel arrivant avec son tee shirt « AlterTour » serre la main de Ludovic qui lui dit « On se connaît. » – « En Bretagne, il fait moins chaud. J’arrive de Lorient. » dit le nouveau.
17h00 : Réunion à questions. Pourquoi êtes-vous venus ici ? Je suis venue pour la beauté du monde.
23h00 : De jour, les champs qui nous accueillent ressemblent à un hall d’exposition de matériel pour Décathlon. Le plastique est fantastique !
Lorsque la nuit est tombée, que nous avons partagé notre connaissance des étoiles et de la mythologie grecque, et que nous rentrons vers nos maisons de toile, le même champ dont les tentes sont éclairées de l’intérieur par une lumière rendue diffuse, ressemble à un grand champ de délicates lucioles géantes.
Frédérique