Philippe et Nadia Hardy ont ouvert il y a 25 ans Le Mascaret, à la fois restaurant, hôtel et spa, à Blainville-sur-Mer, à 800 mètres de la côte du Cotentin. Côté restaurant, le chef étoilé dirige une équipe de 5 personnes en cuisine et 4 en salle, et travaille avec des producteurs et pêcheurs locaux, sur les côtes est et ouest, selon les marées et les saisons.
Un couple engagé
Ce rapport privilégié avec fournisseurs et producteurs, au cœur de leur travail, était tout à fait hors norme à leurs débuts. Leur engagement va plus loin : aucun gaspillage en cuisine grâce au système de commandes, à l’utilisation totale des produits et au compost. Philippe, qui se définit comme une “chef engagé” a aussi collaboré avec l’association Bloom contre la pêche électrique. Quant à Nadia, elle propose sur son site et dans ses ateliers pour adultes et enfants une autre approche de l’alimentation et promet une meilleure santé, sans pour autant oublier le palais. Tous deux voient dans la crise sanitaire une mise en garde contre nos modes d’agriculture et d’alimentation.
L’agroalimentaire, source de nombreux maux
Pour Philippe, « nous devons moins consommer, et moins produire. Il y a 50 ans on a demandé aux agriculteurs de faire des bêtises, de surproduire, il faut arrêter. L’industrie agroalimentaire polluante avec ses fast-food et ses plats préparés, empoisonne les gens en trichant sur les aliments. Avec du sucre, avec des saveurs artificiels, on agit sur les papilles, et c’est un crime. J’espère que dans 10 ans, on verra marqué sur un plat préparé sa composition exacte. Ces produits sont très dangereux, comme les cigarettes, alors pourquoi ne pas appliquer les mêmes mesures ?«
Selon Nadia, « l’agroalimentaire a changé les règles de l’alimentation. Aujourd’hui, c’est tabou de manger beaucoup de fruits et de légumes. Même des nutritionnistes disent de ne pas manger plus de 3 fruits par jour, c’est un scandale ! »
À la recherche de l’essentiel en restauration
« L’essentiel est de mettre l’accent sur les saisons, les circuits courts, les emballages« , nous dit Philippe. « Cela implique de réfléchir à ses achats, et de ne pas écouter certains clients qui veulent des fraises en hiver. Pour les produits de la mer, il faut respecter les pêcheurs et regarder d’où vient la pêche : être attentif aux saisons du poisson, sa reproduction, son environnement, sa taille. Et arrêter de piller les fonds africains ! En France, nous avons su préserver nos côtes grâce à des règles et à une diminution de la flotte de 35 à 40%. Faire la cuisine, ce n’est pas un loisir, c’est essentiel ! Se nourrir, c’est aussi se soigner, éviter les maladies. Nadia : La plupart des problèmes écologiques et des troubles de notre société disparaîtront si nous recommençons à cuisiner avec du bon sens. En changeant notre rapport à l’alimentation et à la nature, nous pouvons faire beaucoup. »
Retrouvez Le Mascaret le mardi 3 août.