“Démocratie alimentaire”, s’il fallait retenir une seule expression de notre rencontre avec Marion et Antoine, ce serait celle-ci.
Pourquoi ? Car ces fondateurs de la ferme “À tout bout de champ”, située en Mayenne, ont su nous rappeler qu’au delà de tout projet d’agriculture et d’élevage biologique, il y en a un autre, plus grand, plus beau, plus vaste, sans lequel toute initiative serait vouée à l’échec : créer du lien social, s’unifier et s’entraider.
Depuis huit ans, ce couple a eu le courage d’abandonner sa vie citadine pour partir vivre sur le chemin de l’auto-suffisance, dans une ferme de polyculture élevage en Mayenne.
Les deux clefs de réussite de leur projet sont l’entraide et la modération.
L’entraide : transformer le territoire ensemble
Marion et Antoine ont su nous montrer l’importance de tisser des liens solides avec des associations vertueuses : Terre de liens (réseau fondateur pour l’acquisition du foncier), conseil municipal, association rurale de Mayenne (ADDEAR), Paysans de nature, Nature et Progrès, AMAP Ile-de-France, associations culturelles, mais aussi avec les marchés locaux, les consommateurs et les écoles.
Dans leur perspective d’ouverture, leur ferme a ouvert une grange culturelle, qui accueille à l’occasion des spectacles, chorales, réunions d’associations et autres collectifs.
L’auto-suffisance ne rime pas avec solitude
Marion et Antoine ont su créer leur propre écosystème, qui s’inscrit dans un projet sociétal : une multitude de petites exploitations agricoles interconnectées et en coopération, à taille humaine, qui protègent la nature en mettant en place des pratiques vertueuses. En bref : un réseau de petites structures agro-écologiques.
Dans l’idéal, il ne devrait pas y avoir de réserves naturelles isolées des fermes, mais des fermes qui sont des réserves naturelles, voire des réserves naturelles qui intègrent des fermes !
La modération : oser la petite ferme pour avancer sereinement
Avant de fonder cette ferme, Antoine a été chargé de mission environnementale. Il s’est rendu compte de l’immobilisme du système. Comment se battre contre le poids des habitudes ?
Finalement, la meilleure façon de changer les choses n’était pas de tenter de convaincre l’agriculture industrielle de changer, mais de devenir soi-même agriculteur. C’est grâce à de nouveaux visages que l’agriculture se transformera en profondeur. C’est le moment idéal pour que de jeunes exploitants s’installent à la campagne, d’autant que de nombreux paysans vont bientôt partir à la retraite !
Le succès du projet de Marion et Antoine est aussi lié au peu de dépendances aux produits achetés à l’extérieur de leur ferme. Les bêtes se nourrissent de l’herbe du pâturage et de foin l’hiver ; et non de soja et de maïs importés. Outre les bénéfices environnementaux, cela allège les charges de la ferme et améliore donc sa résilience.
Selon Antoine, le tout est de ne pas voir trop grand, pour ne pas se décourager. Des structures à taille humaine permettent de prendre un risque mesuré. Il vaut mieux s’installer avec 10 chèvres et progresser ensuite, “s’essayer”. En somme, ne pas avoir peur de la modestie.
Quelques informations clefs
- 53 hectares en polyculture
- 100 000 euros d’investissement au début (troupeau de vaches et machines)
- 22 vaches
- 21 000 euros par an d’aides publiques venant de la PAC
Marion et Antoine conçoivent les aides publiques de la PAC comme une aide pour leur projet, et ils ont à coeur de rendre à la société ce qu’ils ont reçu, notamment en ouvrant leur ferme à toute personne intéressée.
Conclusion
Antoine et Marion ressentent avoir gagné beaucoup de libertés avec la réalisation de ce projet. Se sentir à sa place, faire des choses qui résonnent en soi, cela n’a pas de prix.
Selon eux, cette ferme “c’est un projet de vie avant d’être un projet agricole”.
Agir sur un petit territoire, et y être performant écologiquement, quelle belle leçon de vie !
Un projet de vie ne doit pas s’adapter à l’écologie, l’écologie EST le projet de vie.
Blaise