Manifestation contre le projet de carrière.

Collectif anti-carrière de Mazaugues

AnneAlterTour, Edition 2022, Environnement, Lutte, Silence, Provence-Alpes-Côte d'Azur

Encore lutter CONTRE ? Eh oui, encore contre un projet inutile et nuisible, une carrière, ici à Mazaugues dans le Var.

Ce petit village rural de Provence de 900 habitants est un peu déchiré : il a subi jusqu’en 1980 l’extraction de la bauxite souterraine (aluminium) qui a laissé pas mal de traces paysagères, prétexte depuis 40 ans à l’implantation de nouveaux projets industriels : une entreprise qui fabrique des explosifs, une casse auto, des hectares de Centrales Photovoltaïques au Sol, etc. « Puisque c’est déjà mort, on peut pourrir encore, nous disent les prédateurs ! … Nous, on veut danser encore ».

Qui est ce « nous », me demanderez-vous ? Ce sont les membres d’un collectif citoyen en lutte depuis 15 ans mais qui ne s’est réellement structuré qu’à partir de 2018 lorsque le Conseil d’État a refusé leur pourvoi en cassation. Ce collectif rassemble une dizaine d’associations basées sur six communes, la plupart appartenant au Parc Naturel Régional de la Sainte Baume. Porté par une soixantaine de membres « piliers », dont de nombreux.euses spécialistes (urbanistes, spéléologues, hydrologues, spécialistes en environnement…) très précieux.euses pour toutes les démarches administratives et juridiques, le collectif repose également sur des habitant.e.s de la région qui se sont formé.e.s « sur le tas ». C’est le cas par exemple de Jo et Denis, pleinement engagés et qui semblent bien partis pour ne rien lâcher. Car de la persévérance, il en faut pour tenir tête à cette grande machine juridique et administrative… et pas qu’un peu !

Une lutte locale de longue haleine

Mazaugues est une commune très attrayante : sous ses magnifiques lapiaz les anciennes mines de bauxite accueillent une faune très rare, et recouvrent les millions de mètres cube d’une eau qui abreuve jusqu’à Toulon ; depuis 2017 elle est en plein dans le Parc Naturel Régional de la Sainte Baume et bien sûr en site Natura 2000 !

Habitat naturel d’espèces protégées.

C’est sur la base de ces richesses naturelles que le collectif attaque le carrier, qui les a délibérément ignorées. Depuis 15 ans il occulte les données scientifiques de plus en plus précises, et c’est devant les tribunaux que le collectif exige qu’il respecte les lois et réglementations protégeant ces richesses.

L’objectif ? Que la carrière n’ouvre pas. La stratégie ? Gagner du temps et retarder au maximum le début des extractions afin que les procédures juridiques puissent aboutir avant qu’il ne soit trop tard. Et s’il y a bien une chose que les opposant.e.s au projet ont apprise ces dernières années, c’est que la lutte devant les tribunaux prend du temps, or c’est bien ce qui leur manque. Car le carrier lui n’attend pas que les recours aboutissent : les travaux de défrichage ont déjà commencé !

 La situation est donc très contradictoire : la temporalité de la justice face à l’urgence climatique. Des plaintes au pénal en passant par les recours, contentieux, référés, demandes de dérogations, conseil scientifique… jusqu’à la pétition au Parlement européen qui a mandaté la Commission Européenne, tout a été mis en œuvre. Pour l’instant sans succès puisque le permis de construire a bien été délivré alors que les scientifiques sont formels : ces travaux de défrichement entraînent la destruction illicite d’espèces protégées.

Photo des travaux de défrichement.
Avril 2021 : début des travaux de défrichement.

« Nous sommes la nature qui se défend »

« C’est POUR les préserver, POUR conserver les qualités de nos paysages, de notre biodiversité, de notre eau, pour NOUS sauvegarder, vous et toute la planète, ici pied-à-pied, m2 par m2, arbre après arbre, litre après litre, chauve-souris l’une après l’autre — hectares, forêts, et tous leurs habitants — que depuis 15 ans nous nous battons (première demande de défrichement en 2007).

Nous n’attendrons pas 15 ans de plus. En collaboration avec les naturalistes et les hydrogéologues, et soutenus par les élus, nous allons imposer aux administrations les classements protecteurs définitifs des biotopes, des paysages et des eaux souterraines du site de ce projet de carrière ».

Lézard ocellé juvénile

Le chemin est long, mais formateur. Comme le souligne Denis, le vent commence à tourner : les réseaux sociaux ont contribué à offrir plus de visibilité aux luttes locales. Et il n’y a pas de petites luttes : sauver un arbre, c’est sauver une forêt tout entière. Depuis quelques années, il sent un éveil des consciences de plus en plus grand et préfère s’accrocher aux luttes victorieuses (Saint-Julien-Molin-Molette par exemple).

De quoi (re)donner de l’espoir : que les recours aboutissent et surtout que le site soit classé comme une réserve naturelle afin de préserver toutes les ressources (eau, richesses biologiques, espèces endémiques…) à long terme. Car personne n’est dupe : si ce projet n’aboutit pas, d’autres arriveront dans la foulée. D’où l’importance de porter une vision à long terme.

La force du collectif

Heureusement, les membres du collectif ne manquent ni de détermination, ni de patience, ni de courage. Si l’enjeu est de taille, et les conséquences dramatiques, cette lutte a également permis à des citoyen.ne.s de se rencontrer, apprendre, partager… Comme pour Jo qui au fil des ans s’est formé sur de nombreux sujets et en ressort plein de connaissances et de savoir-faire : « participer à un collectif, c’est avant tout rencontrer des gens qui ont les mêmes valeurs (écologie, compréhension de la planète) et trouver un sens de plus à sa vie ».

« Notre vie, notre eau, notre biodiversité, notre patrimoine commun ! »

Dans le cas présent, c’est également savourer la réussite de l’autogestion : des êtres humains qui s’organisent entre eux sans qu’il n’y ait de chef.fe c’est possible, et ça marche !

C’est donc plein d’énergie que le combat continue… Courage à elles et eux qui avant même d’avoir terminé ces démarches sont déjà prêt.e.s à passer à d’autres luttes, et plus volontiers à d’autres propositions alternatives.

Comment les soutenir ?

Concrètement, le collectif a des besoins très précis. Pour les aider, vous pouvez :

  • signer la pétition et la partager au maximum ;
  • faire connaître la lutte autour de vous ;
  • si vous le pouvez, faire un don pour participer aux frais juridiques ;
  • participer aux évènements et manifestations prévues. Les prochaines dates : le 20 juillet avec la venue de l’AlterTour à Tourves, le 11 septembre à Correns et le 2 octobre à St Maximin. Au programme : conférences, expositions, film, stands, ateliers d’animations pour petits et grands, concert en soirée…

Pour plus d’informations, visitez le site du collectif anti-carrière de Mazaugues : https://stopcarrieremazaug.wixsite.com/my-site-2

– Nanou