Lever 8h, une grasse matinée, quelle chance !
Lendemain de la Vélorution organisée par Robert de Velo Sapiens qui a mené le groupe à travers le centre ville puis la Corniche de Marseille, au bord de cette magnifique rade, sous les embruns salés et chauds de la rencontre entre la mer et la ville. Le groupe a pu se confronter à la conduite urbaine spécifique à cette ville qui a beaucoup de mal à faire place au vélo. Des peurs, des frayeurs, un petit soleil et des voitures poussives au cul du cortège. Rien de bien méchant, de la bouche, comme d’habitude ici. Mais un immense plaisir à pédaler de nuit au milieu du Vieux Port et admiré.e.s par la population qui s’est étonnée de nous voir, et, curieuse, de nous demander qui nous étions et ce que nous faisions. Quelques recrutements auprès des automobilistes et scootéristes plus tard, nous nous arrêtions soit au monument aux morts d’Afrique, soit à la plage du Prado pour la traditionnelle pause festive de 23h. Des fatigué.e.s, mais des courageu.ses.x pour aller se baigner, dont quelques un.e.s nu.e.s, ce qui a généré réflexions et vives altercations avec les locaux. La tête dans la réalité sociale d’une ville tentaculaire comme celle là, nous continuions a suivre notre guide Robert qui nous a conduit jusqu’à bon port.
Le lendemain matin, c’est le marché paysan de la Ferme, qui ouvre ses portes au public. On y croise des gens du quartier qui viennent faire leur courses et/ou visiter la ferme en famille. L’AlterTour y fait son stand, avec la revue SILENCE ! dont la représentante est arrivée aujourd’hui. Une boulangerie du Boulevard Salvator vend ses merveilleuses fougasses et ses pompes à l’huile d’olive, spécialités du patrimoine alimentaire provençal qui nous régalerons pour l’apéro du midi accompagné de Pastis d’Aubagne et de sirop d’orgeat qu’on appellera mauresque.
Un bel étal, de ce que cultive la ferme, se situant dans une pièce ouverte sur l’extérieur, accueille aussi une exposition sur l’histoire de la campagne environnante (ou de ce qu’il en reste). En effet, c’est Alargo Mazargues, l’association de défense du patrimoine du quartier qui orne les murs du lieu de vente. Des photos d’une dizaine de « campagnes »portant le nom des propriétaires ou des exploitants (ou les deux), aux noms évocateurs de l’immigration qui a eu lieu à Marseille depuis le début du 20eme, disent a quel point Marseille était un terroir agricole prolifique. Des cartes de la zone, disent la superficie des terres agricoles disparues au profit de l’urbanisation intense qui a eu lieu depuis les années 1950, répertoriant toutes les campagnes qui ont marqué l’histoire du quartier.
Des altercyclistes me disent leur sentiment d’étonnement face à la situation de cette ferme au cœur de la ville, ou iels se sentent entre ville et campagne, ce qui est la réalité, avec d’un côté la « Bonne Mère » et de l’autre le massif de Marseilleveyre bordant la ville au sud, la plage non loin.
Le canal de Marseille, passant à 40 m de la ferme, parle aussi de ce terroir mais n’est pas utilisé car plus cher que l’eau potable de la ville. En effet, l’organisme gestionnaire de cet apport en eau majeur construit au 19eme pour les besoins de la ville et de sa campagne, n’est autre que Véolia, une multinationale de la délégation de service public, qui vend son eau (celle du Verdon, publique), une fortune.
A 18h, une table ronde a réuni les actrices et acteurs du maraichage local afin de discuter de l’avenir de l’agri urbaine ici. Ange, maraicher sur le Roy d’Espagne avant que la ville préempte, raconte l’histoire de sa vie à Mazargues : « marche ou crève! ». Fils d’immigrés italiens, il s’installe là sans avoir trop le choix. Ensuite, Terre de Mars, ferme en maraichage sur Sainte Marthe présente ses activités. Composée de plusieurs diplomé.es d’études supérieures en reconversions, iels cultivent 2,7 ha depuis 2014. Un écart énorme avec la situation d’Ange 50 ans plus tôt. Joëlle de la Ferme pédagogique du Collet des Comtes, dans le 12eme arrondissement prend la parole. Transmission familiale depuis ses parents, elle gère avec sa sœur la ferme et vient de renouveler sa DSP Délégation de service public pour 5 ans. Elle explique ne pas se tirer un SMIC encore et raconte la difficulté de son activité. Active depuis 6 ans, elle a fait le choix de la traction animale. Elle nous parle également du manque de maraicher.e.s!
Les membres d’Alargo Mazargues, d’age vénérable, parlent des débuts de l’exploitation du terroir : » Ici, c’était la pinède. Mon grand père a coupé 1000 pins à la hache en arrivant. Ensuite, il a fallu enrichir les sols et peu à peu on a pu cultiver. Avant on cultivait des câpres et des pois chiches avant le Canal, après c’était les artichauts, les fèves, les courgettes qui sont devenus réputés à Mazargues.
Le marché se faisait au Cours Julien en ventre ville, les mazarguaises ont dû se battre pendant « la guerre des femmes » pour pouvoir vendre leur production, car c’était les matrones du cours qui tenaient le marché.«
Un beau samedi d’été sous les cigales, a fait découvrir à tout le monde le charme de la provençalité marseillaise, dans toute sa splendeur (ou presque).
Guilhaume Tamisier