On commence à la sentir.
La descente se fait de plus en plus forte, et tout à coup, elle est là. Tranquille, lente, avec ses bras sinueux.
La Durance.
On passe dans le Vaucluse. On approche de ce pays si cher à Rainer Maria Rilke et René Char, voisins il y a cent ans de ces contrées, du côté de la Sorgues tellement bien décrites dans les « lettres à un jeune poète ».
Puis on perçoit l’eau qui gargouille dans les rigoles, les canaux. La végétation se fait plus luxuriante. Mais ne nous leurrons pas, le stress hydrique est bien là. Les changements climatiques, œuvres de l’homme, transforment les pratiques…
Les fruits sont beaux, nombreux sur les arbres, au pied des plants, presque mûrs, les légumes poussent sous les serres aérées. Tout semble proliférer à profusion dans cette vallée, ample et généreuse. Axelle et Palina me disent que c’est bon de récolter les oignons, de toucher la terre, de travailler ensemble, que les odeurs sont belles et le sol chaud, mais que c’est vraiment dur, trop chaud.
Oui, la vie ici reste une question de labeur, d’effort, et surtout de recherche de démocratie, de lutte contre la marée noire et brune.
L’AlterTour n’en est pas à son premier passage chez les amis Eric, Caro et les autres du Café Citoyen qui mérite bien ses 2 majuscules tant il est important dans le tissage des liens sociaux des lieux où il prend vie.
10 ans déjà depuis Mérindol, le four solaire qui peinant à cuire les repas des AlterCyclistes.
A Lauris, perché sur les hauteurs d’un escarpement, là où les quelques bars et cafés ferment à 21 heures, la vie du Café Citoyen ne s’arrête pas, connectée aux terres de maraîchage.
Dans la torpeur de cet après-midi caniculaire, les 60 altercyclistes s’abreuvent des projets de nos hôtes occupant la première centrale hydraulique de France, un lieu ampli d’histoires et de luttes pour le lien social et la décroissance.
Déménagements, soutien parcimonieux des édiles municipales, contacts permanents et entretenus avec les habitants ont permis à cet espace vivant de tenir bon, de vivre au-delà du seul accès à un terrain. L’accès aux terres productives restent néanmoins un fondamental !
Vie lui fut donnée, alors qu’ils ont toujours cultivé, maraîché des milliers de mètres carrés, des hectares de terres plus ou moins fertiles, mais toujours dans le respect de celle-ci.
Ateliers associatifs, marché paysan, soirées conviviales, culturelles, ludiques ont fait de cet endroit un espace de rencontres qui plante ses racines bien au-delà du local, bien au-delà de la région, accueillant des porteurs et porteuses de projets d’Apt, de Cavaillon et au-delà des frontières grâce aux migrants.
Le bâtiment va évoluer, le toit va être refait, plus de 300 mètres carrés sont en espoir de rénovation. Mais l’investissement des villageois, la réunion de nombreuses et nombreux porteuses et porteurs de projets, la concrétisation de projets culturels, associatifs, éducatifs importe bien plus que les vicissitudes des aléas administratifs municipaux.
Le café porte des espoirs politiques. Comme en ’46, à l’instar des prémisses de la sécurité sociale portée par la force ouvrière de tous secteurs, poind le jour d’une Sécurité Sociale Alimentaire (aussi avec 3 majuscules!) testée, expérimentée sur une population volontaire et volontairement limitée. Les élu.e.s à l’Assemblée nationale à ce stade peuvent apprendre. Le conventionnement des producteurs est à l’ordre du jour pour une alimentation saine et durable pour tou.te.s ! Un vrai défi pour cette association d’Education populaire (on dit Education permanente en Belgique) axée sur les aspects alimentaires, vivre et faire ensemble, culture, entraide et solidarité..
Un projet que l’AlterTour ne manquera pas de colporter, et d’y revenir! Lorsque la Caisse Sociale Alimentaire sera généralisée? On espère avant dix ans!
Eric à la rédaction et Capitaine Remi à la photographie