Ressourcerie et confitures

JonasAuvergne-Rhône-Alpes, Edition 2022, Économie, Énergie, Social, Transverse

Un article à 2 mains

Une caverne d’alibaba

Aujourd’hui rendez-vous à la Ressourcerie d’Issoire, une des 170 que compte le territoire français. Créée il y a 5 ans sous l’impulsion de Guillaume et Louise, la ressourcerie a de multiples missions. Premièrement, il s’agit de remettre en état des objets dont les personnes et entreprises se débarrassent, faire du réemploi pour leur offrir une seconde vie afin qu’ils soient vendus. D’autre part, l’idée est de sensibiliser les différents publics (scolaires, entreprises privées ou publiques…) à l’enjeu de ne pas gaspiller, de ne pas jeter inutilement. L’activité en ce sens est un prétexte à la fois social et environnemental.
Dès la genèse du projet, la création d’emplois était une priorité : ils sont aujourd’hui 15 salariés, 10 personnes en chantiers de réinsertion, une soixantaine de bénévoles, deux services civiques et sont également en capacité d’accueillir les missions d’intérêt général ou stagiaires.
Ce sont en moyenne 200 tonnes de déchets par an qui transitent par la ressourcerie. Les déchets sont soit collectés en déchetterie ou sur des marchés, ou apportés par des particuliers, directement sur site. L’équipe parvient à offrir une seconde vie à près de 50% des déchets (enbtonne), 45% sont envoyés dans les bonnes filières de recyclage, les derniers 5% n’ont aucune filière de réemploi ou recyclage. Sur le total, 1/5 part en boutique.

La première étape est le tri, accompagné de la traçabilité (pesage de tous les objets collectés). Comme les déchetteries reçoivent un dédommagement des municipalités à la tonne, la ressourcerie est également rémunérée pour cette activité. Pour le textile – seconde activité la plus polluante du monde – bien que le tri soit chronophage, ils ont pris le parti de regarder tous les vêtements reçus pour s’assurer de leur possible réemploi. Quand ceux-là sont trop détériorés, ils partent pour des filières de recyclage (comme torchons, isolation…). D’ailleurs, ils constatent pour cette filière (mais aussi pour le numérique par exemple) que la qualité des vêtements reçus baisse au fil des années, que le réemploi devient compliqué. La ressourcerie
est en bout de chaîne d’un système capitaliste mondial
, avec la mouvance du fast-fashion (ou l’abondance d’appareils électroniques à bas coût et de mauvaise qualité), ils constatent que cette dynamique mondiale se nivelle vers le bas. Par exemple, là où les anciens meubles sont encore en très bon état, les nouveaux meubles (souvent démontables) se cassent ou sont trop fragiles.

Leur mission de sensibilisation des publics devient alors primordiale. Beaucoup amènent leurs objets non pas parce qu’ils sont en fin de vie mais parce qu’ils les remplacent par de plus récents. Ou comme nous le savons lorsque des grandes entreprises défiscalisent leurs dons en se débarrassant de gros lots d’invendus… Quoiqu’il en soit les objets sont triés, nettoyés, remis en état de marche pour ensuite arriver en boutique.
Pour cela, nous avons participé à différentes activités :
La conception d’un compost bokachi pour petit appartement à partir de
trois seaux en plastique de 5 litres, qui permet de récupérer de l’engrais liquide – Un atelier qui avait pour mission de construire un abri vélo en l’absence du kit de montage – Plus loin, la décoration de la caravane mobile avec des accroches pour fixer des pancartes de sensibilisation.
Une autre activité consistait à s’assurer du bon nombre de pièces des boîtes de puzzle. D’autres ont plastifié des affiches pour la vélorution, pendant que deux autres groupes préparaient drapeaux et pancartes pour l’évènement. Enfin, un vélo étrange attendait réparation…

Atelier Vélo-mix

Fan des objets détournés et du ré-emploi, ni une, ni deux, je m’inscris à l’atelier « vélo-mix ». Il s’agit d’apporter noter expertise brico-vélo au vélo-blender en rade, conçu et déjà réparé 2 fois par la belle équipe de la Ressourcerie d’Issoire.
Louise nous fait un topo sur l’état de la bête : c’est un vélo transformé en vélo d’appartement (fixe donc), où la selle et le guidon ont été inversés. Cela permet de voir tourner le mixeur, installé sur le porte-bagage. Petite subtilité, il faut alors pédaler en arrière pour le faire fonctionner. Le problème :
1. l’adhérence du galet et de la jante de la roue arrière,
2. la fixation entre l’arbre (tige vertical assurant la rotation du socle du blender) et le socle du blender.

Nous mettons nos 6 cerveaux et nos 12 mains au travail, nous appuyant sur les ressources… de la ressourcerie. Après 2h d’essais divers, notre persévérance porte ses fruits, victoire, le vélo-mix est réparé (notamment grâce à un bout de chambre à air pour la résolution du problème 1, car à l’altertour, la chambre à air est reine et comme chacun.e le sait, résout tous les problèmes). Détourner, réparer les objets est le meilleur moyen de faire à plusieurs en laissant libre court à notre créativité.
Pour aller plus loin :

  • des tutoriels pour fabriquer son vélo blender, sur wiklou, le wiki du biclou ! : https://wiklou.org/wiki/V%C3%A9lo_blender_(cr%C3%A9ation)
  • relire l’article du recueil Silence ! sur Alice, une altercycliste qui, après avoir fait l’altertour, a réalisé son vélo mixeur pour sensibiliser au gaspillage alimentaire sur les marchés lyonnais en faisant des smoothies avec des invendus.

Aller se rouler dans l’herbe

Après quelques coups de pédale sous un soleil de plomb, nous posons nos sacoches dans le jardin de petits fruits des Merles Moqueurs. Marion et Eric ont quitté il y a quelques années leurs boulots d’informaticien pour remettre les mains dans la terre et dans la confiture.
Retrouver une activité qui a du sens, ne plus être devant un ordinateur toute la journée, voilà les bienfaits recherchés.
Cassis, mûres sauvages et d’élevage, myrtilles, framboises, fraises sont vendu.es frais ou transformé.es en tartelettes, biscuits fourrés, sirops, coulis, confitures et gelées. Dans ce paradis de verdure estampillé Nature et Progrès, 3 problématiques ressortent :

  • le dérèglement climatique se fait sentir, fragilise la production et les conditions de travail (sécheresse tôt dans l’année, 20cm de neige en avril, production condensée en 2 semaines au lieu de 5 semaines habituellement, restriction d’eau, frelons asiatiques…)
  • le ratio temps passé / salaire dégagé (comme le dit Eric « je ne pensais pas qu’en bossant autant on pouvait gagner si peu », à savoir : 600€/mois pour 2, pour 2 temps archi-pleins).
  • le statut de Marion, entre « femme d’exploitant » et « conjoint collaborateur ». Malgré leur volonté d‘équité et pour des missions « globalement interchangeables », à la déclaration de Marion en tant que
    co-exploitante, la MSA (Mutuelle Sociale Agricole) répond : « ça n’existe pas dans nos formulaires ».

Je verse quelques gouttes de sirop au creux de ma main et je déguste à petite lampée, tel un merle moqueur. Moquons-nous, rions-en, car il vaut mieux en rire, en guise de respiration, en attendant de continuer le combat.

Rédaction : Aurélien et Grande Marie – Photos : Aurélien et Thibault.