Mathieu Foudral vit depuis quelques années à la ferme des Escuroux (Cayrols, Cantal), il y expérimente la permaculture (permanent agriculture). Son premier but a été de viser l’autonomie : alimentation, énergie, eau.
Il nous livre ses retours d’expérience autour d’une première présentation focalisée sur l’autonomie alimentaire. Il pose la question de ce qui nous nourrit vraiment : est-ce le potager ?
Un tableau des apports caloriques de chaque denrée alimentaire nous démontre le contraire : Huile de tournesol (3700kcal/100g), Artichaud (186kcal/100g), Radis rouge (55kcal/100g).
En résumé, ce sont les graisses, les légumineuses et les céréales qui nous apportent de l’énergie.
Rien à voir avec le potager classique ! Selon Mathieu, si l’on veut viser l’autonomie, il vaut donc mieux se focaliser sur les arbres : ils produisent beaucoup et demandent peu d’entretien : « moins j’en fais, mieux je me porte ». Il cite notamment : noisetiers, noyers, châtaigniers dont les fruits permettent de faire de la farine ou de l’huile. Mais aussi, patates, haricots, plantes sauvages comestibles. Il insiste bien sur les plantes vivaces qui sont plus robustes que les annuelles grâce à un système racinaire plus développé.
« Qu’est-ce qui peut faire durer une société humaine ? »
C’est la question centrale à laquelle tente de répondre la permaculture à travers trois grands principes : (i) prendre soin de la terre (ii) prendre
soin de l’humain (iii) partager équitablement. Cela paraît si évident…
Le lendemain, Mathieu nous a fait visiter sa parcelle. Il constate qu’en 15-20 ans le climat a bien changé dans le Cantal. Autrefois appelé le pays des milles sources, la zone s’assèche, les sources se tarissent et il devient essentiel de canaliser la moindre goutte d’eau en aménageant le terrain.
Au travers de son approche permaculturelle, il cherche donc à transformer ses 1,7ha, trop longtemps abandonnés à l’élevage conventionnel, en écosystèmes durables, autonomes, nourriciers et résilients au changement climatique. Pour Mathieu, la nature est abondante, c’est l’humain qui créé la rareté en créant des déséquilibres, d’où l’idée de la permaculture : créer un équilibre qui permette de faire revenir l’abondance.
Sur son terrain, on retrouve les éléments classiques de la conception en permaculture tel que :
Le bâti : logis, grange (composée d’une salle de formation au-dessus de l’abri pour les moutons), le gîte en cours de construction ;
Les potagers de zone 1 et 2 dans lesquels sont semés différents légumes fruits, à feuilles, plantes vivaces ou aromatiques ;
Le poulailler accolé à la serre, qui permet de chauffer naturellement
la serre et de tenir les poules au chaud les journées ensoleillées d’hivers ;
Les pâturages pour les moutons ;
Les mares, véritables réservoirs de biodiversité ;
Le système de pédo-épuration ;
Le bois, le ruisseau, la source, les panneaux solaires et la batterie portative : ressources vitales pour l’écosystème (dont Mathieu).
Cependant, c’est la parcelle en agroforesterie qui retient l’attention. Sur une partie du terrain en pente, différentes essences d’arbres, arbustes, lianes et plantes vivaces ont été plantées le long de trois baissières (butte permacole dressée suivant une même ligne de niveau). Les avantages de cet
élément sont nombreux : En plus d’être esthétique, nourricier pour la faune (humain inclus) et la flore, il freine le ruissellement des eaux de pluie grâce à un réseau racinaire permettant une infiltration profonde. De l’autre côté de la baissière, un chemin a été nivelé et l’excédent de terre a été disposé en aval pour constituer une butte d’ombrage. De nombreuses
essences venant du sud telles que Paulownias (à grandes feuilles rondes !), poivriers du Sichuan ou autres Argousiers ont été plantées sur ces mêmes
buttes afin de fournir un grand nombre de services à l’ensemble du système (protection, nutriments, réservoir de biodiversité…). Ces plantes supportent mieux la chaleur que les plantes endémiques et permettent à d’autres plus fragiles et nourricières de se développer dans leur ombrage bienveillant. Il
préconise d’en essayer plein. « Il faut filer un coup de main à la nature, parce que là, ça va trop vite pour elle » : nous affirme t-il.
Les espaces non cultivés entre les baissières sont entretenus par des
moutons. Cet ensemble agro-forestier-pastoral tente de recréer les lisières d’abondance des forêts primaires au temps jadis.
Il ne faut pas voir la ferme des Escuroux comme un site de production maraichère mais comme un site de recherche permaculturelle. Il faudra de nombreuses années encore pour que le site s’auto-entretienne sans trop d’intervention humaine mais il est indubitable que la solution testée par
Mathieu sera une des briques de l’agroécologie de demain.
Adrien et Aurélien