Le Creusot, cité laborieuse pour les cyclistes !
Tôt matin, la horde des altercyclistes s’apprête : fanions, drapeaux et oripeaux brandis sur leurs chevaux de fer, direction Le Creusot, par monts et par vaux, en rangs pas vraiment serrés ! Mais point de gilet jaune à l’horizon. Juste un départ pour une vélorution creusotine. Le mot d’accueil de Mines de Rayons, l’association cycliste locale, se veut chaleureux et optimiste. Pourtant, le message livré est celui d’une histoire tragique. Il était une fois, une association vélo bienvenue au sein de cette ville industrielle dirigée par une majorité socialiste. Mise à disposition de locaux rénovés, mis aux normes pour l’atelier d’auto-réparation, vélo-cargo, remorque et vélos pliables pour les formations vélo, entre autres dans les écoles, subsides permettant l’engagement d’un permanent.
Le vent souffle dans le dos de cette association qui se veut critique et constructive, forte de son expérience au sein de la Fub (Fédération des usagers de la bicyclette) pour appuyer l’autorité municipale dans son travail de cyclabilisation de la ville. Puis soudain, à mis mandature, un revirement survient : les locaux devraient être détruits, le matériel va devoir être utilisé directement par la municipalité, le soutien financier devrait être réorienté vers d’autres associations. Le vent a décidément tourné : l’association serait trop critique face aux trop lents investissements cyclables de la ville. La fin n’est pourtant pas à l’ordre du jour. Les bénévoles se mobilisent et résistent, trouvent de nouveaux locaux. Surtout, l’association s’autonomise par rapport à son ex-main nourricière, retrouvant sa totale liberté de parole sans pourtant être revancharde. D’ailleurs la population maintient son soutien aux nombreuses initiatives qu’elle continue de mettre en œuvre. Alors, la ville est-elle cyclable et la critique associative serait-elle exagérée ? Allons voir sur place avec les 60 altercyclistes pour se rendre compte de la réalité. Verdict… à venir.
Avant cela, faisons une petite parenthèse historique. Cette ville industrielle, aux mains des Schneider depuis la fin du XIXe siècle, a vécu les évolutions de notre société capitaliste basée sur l’exploitation de la main d’œuvre et des énergies fossiles dans l’industrie sidérurgique en fabriquant tôles, canons et locomotives pour se recentrer sur le nucléaire à l’époque du mythe atomique des années 1960. Les habitations multiples avec vue sur les sites de production témoignent de l’importance vitale de cette «banane industrielle» en plein centre ville. La technologie devrait sauver l’homme…
Revenons à présent à nos mou… euh vélos. Qu’en dire à Le Creusot ? La Vélorution d’une dizaine de kilomètres a révélé des situations très inégales. Disons que les aménagements en centre-ville sont quasi inexistants, que les arceaux vélos se comptent sur les doigts de deux mains, la traversée cyclable asphaltée du très grand parc urbain – excusez du peu alors que de la dolomie stabilisée aurait très bien fait l’affaire – pose des problèmes de partage d’espace mais surtout d’improbables écluses à vélos empêchent l’accès aisé à cette voie interdite de facto aux vélos cargos familiaux. Les pistes cyclables quand à elles existent s’interrompent de manière impromptue sans soucis de continuité. Il serait mentir de dire que rien n’est fait pour les cyclistes, mais de trop nombreuses pièces manquent au puzzle. Alors si le récent baromètre des villes cyclables donne un indice passant de G à F, force est de constater que le travail vers les niveaux supérieurs se devra d’être intense ! Dommage, dans ce contexte, de se passer de l’appui des associations cyclistes.
L’Eden Broc, une brocante mais pas que !
Après ce tour de ville à vélo au cours duquel nous n’avons pas croisé plus d’une demi-douzaine de locaux à vélo, c’est à l’Eden broc que nous nous retrouvons pour le déjeuner. Ce cinéma créé dans les années 1950 abrite une brocante depuis moins de deux ans. Nous sommes au parterre de ce qui se révélera être bien plus qu’une ressourcerie prônant l’économie circulaire. C’est un véritable tiers-lieu, espace de co-construction ouvert sur le quartier, la ville, ses migrants, ses laisser-pour-compte du système. Le balcon de cet ancien cinéma abrite un espace forum permettant des activités culturelles, des conférences. Hip-hop, rapp, exposition de la Ligue des Droits de l’Homme se succèdent au cours de cette véritable saison du lieu. La sauvegarde de l’ancien cinéma semble assurée grâce à ce modèle de tiers-lieu urbain adapté au contexte de plus petite ville industrielle. La vitalité associative de cette ville est indéniable. L’exode massif des jeunes vers les grandes villes à une encablure de TGV, le vieillissement de la population n’ont pas eu raison des besoins de vivre ensemble et d’amélioration du cadre de vie en prônant une société moins dépendante des énergies fossiles et de la consommation de masse, société résolument tournée vers l’inclusion.