La Fabrique, le délirant atelier partagé à Strasbourg

Marine RAlterTour, Édition 2024, Grand Est, Transverse, Vélo

Au fond de la zone d’activité du parc Gruber, en périphérie de Strasbourg, un hangar du XIXe siècle ouvre grand sa porte. En y passant la tête, la fraîcheur des lieux étonne les altercyclistes, étourdis par le soleil de plomb qui écrase la capitale alsacienne.

Il faut dire que cette vieille bâtisse, dont la dalle descend en pente douce sous le niveau du sol dans un dédale de vastes couloirs en arcade, n’est autre qu’une ancienne brasserie de bière, d’avant l’arrivée de l’électricité. On suait, voilà qu’on se recouvre, dans la fraîcheur de ces épais murs blancs.

La fabrique, ou « la fab » pour les initiés, est un étonnant atelier partagé, qui réunit tout à la fois un atelier de réparation de vélos, d’électronique, de cordonnerie, de couture, de menuiserie, mais aussi une métallerie, une découpe laser et une imprimante 3D.

« On s’adresse aussi bien à des professionnels qu’à des particulier, des amateurs un peu curieux », explique Joris, président de l’association La fabrique, pour qui le lieu, labellisé « tiers-lieu Grand Est », réunit un peu du fablab et du conservatoire des artisanats traditionnels.

On y trouve donc des machines outils anciennes, comme l’imposante station d’Aline – cordonnière professionnelle qui depuis son atelier qu’elle loue sur place anime des initiations tout en menant sa production de chaussures de randonnée et de chaussons d’escalade – mais aussi plein de tutoriels plastifiés aux murs.

Sans le moindre salarié, La fabrique est une association de purs bénévoles : ils sont une douzaine à faire vivre le lieu, en élevant la bidouille au rang d’art noble, où la récupération et l’autonomie s’épanouissent.

Le parcours de Joris est à l’image de celui de nombre d’autres adhérents : si ce créateur de sites web est venu initialement par curiosité, pour s’initier à la menuiserie, c’est finalement dans l’atelier de couture qu’il élabore sa création : un sac de guidon pour vélo, à réaliser uniquement en coutures droites et simples. « Si la couture n’est plus forcément réservée aux femmes, observe-t-il, souvent les mecs viennent davantage avec un projet purement technique et fonctionnel, comme un sac de vélo, de randonnée, etc ».

Quoi qu’il en soit, la synergie des différents métiers d’art opère et permet des passerelles.

Dans la métallerie, Yves, chaudronnier soudeur à la retraite, est fier de nous montrer le cadre d’un vélo cargo que celui qui n’était qu’un novice en soudage il y a tout juste 3 mois vient de réaliser. Entre la fraiseuse métallique et le poste à souder TIG, il se rappelle avec fierté les 250 initiés déjà au soudage qui sont passés à la fab, y compris le cas de cette jeune femme en reconversion professionnelle, venue ici pour renforcer sa compétence : « au final, quand ils l’ont revue dans son école, ils n’en revenaient pas, alors qu’on la dénigrait auparavant ! », se rappelle-t-il avec émotion.

Amateurs avec un projet perso en tête, pros, ou futurs pros, tout cela se mélange joyeusement à la fab, tant que personne ne monopolise un atelier ou une machine.

Un bel esprit de partage qui vit particulièrement les jeudi de 18h à 21h, quand le lieu ouvre aux non abonnés, avec boissons et musique bien sûr. Si vous y allez, petit conseil d’altercycliste : commandez une bouteille à décapsuler : vous pourrez alors la fixer à un porte-gourde, déclencher le pédalier, et faire sauter le bouchon d’un simple coup de frein, l’envoyant alors à l’autre bout de la pièce. La bidouille dans la joie, c’est ça la fab.

Alterjournaliste : Antony