Le Jardin de l’Oncle Charles

Marine RAgriculture, Édition 2024, Alimentation, Grand Est

Vendredi 19 juillet, il est 6h30 quand l’équipe en charge du petit déjeuner nous réveille. Après la lecture de l’Horoscope complet par nos Dis-l’Heure-euses, c’est le grand rangement du campement pour partir. Pliage de l’exposition de linge fraîchement lavé, quizz sur le rangement des bons tuyaux d’eau (mais si, celui-là est à nous, mais pas le pistolet, à moins que ce soit l’inverse…), attente impatiente de notre accueillante pour récupérer le stock de fromage enfermé dans le frigo, négociation avec quelques branches pour faire sortir notre magnifique Iveco, et c’est le grand départ !!

Ce sera un voyage au milieu des vignes aujourd’hui ! Nous constatons avec tristesse qu’elles sont trop bien entretenues, et laissent peu de place aux mûriers qui ravissent les altercyclistes. Nous souffrons du soleil, mais aussi du passage au milieu de nombreuses boulangeries. Nos bouches salivent en devinant les bretzels en devanture… mais pas le temps de s’arrêter, le soleil tape et nous sommes tous pressés d’arriver au Jardin de l’Oncle Charles.

Nous voici arrivé sur le terrain, ses modestes 55 ares bien optimisés nous permettent de nous installer rapidement sans nous éparpiller. Rapidement, le groupe se retrouve sous l’appentis, seul espace d’ombre pour le moment et notre équipe cuisine du midi annonce « Le repas est prêt ». Nous voici donc à table autour d’un couscous végétarien et du célèbre plateau de fromage.

Au programme de l’après-midi, une altercycliste propose d’animer une fresque du climat pour les intéressés, au pied d’un grand arbre à l’ombre fort agréable. Par décence, je ne vous partage pas le verso de la photo : une bonne vingtaine d’altercyclistes en pleine sieste à l’ombre des tonnelles et de l’Iveco (que ferait-on sans lui !!).

Georges nous rejoint, c’est lui qui nous accueille aujourd’hui sur son terrain. Nous prenons un temps pour comprendre son activité et son histoire.

Georges a fait une école de commerce, et a travaillé plusieurs années dans la logistique à l’international, et en particulier en Inde. Lorsqu’il découvre le film Demain (Cyril Dion et Mélanie Laurent, 2015), c’est un déclic pour lui, il veut devenir maraîcher pour donner du sens à son activité : nourrir l’humain.

Il passe alors le Brevet Professionnel de Responsable d’Entreprise Agricole (BPREA pour les intimes) et se met à la recherche d’un terrain. Par chance, son cousin – qui travaille en viticulture – lui permet de trouver cet espace que le viticulteur, touché par son projet, accepte de lui louer. Le voici en 2019 avec un terrain de 55 ares, à installer.

Son enjeu à partir de ce moment là : produire le mieux, en utilisant le moins de ressources possibles. Ses inspirations sont le principe du Jugaad qu’il a découvert auprès d’agriculteurs indiens (Faire mieux avec moins, concept d’innovation qui favorise la débrouillardise et l’inventivité), et Jean-Martin Fortier, un agriculteur québequois dont il retient la recherche constante d’efficacité.

Il décide de produire bio, selon l’adage «  l’homme nourrit le sol et le sol nourrit les plantes ». Il n’utilise aucun engrais, seulement un apport de compost annuel  qui est épandu sur le sol par les vignerons du coin,. Ses plantations sont réalisées à la main. Il a très peu d’équipements sur le terrain (pas d’électricité, pas d’eau courante, mais il a fait percer un puisage  pour assurer l’arrosage nécessaire). Côté plants, Georges a décidé de ne pas les faire lui-même lorsqu’il peut en acheter : « C’est un vrai métier de faire des plants, chacun son job ». Sur 35 ares, il cultive aujourd’hui une cinquantaine de produits : Tomates, poivrons, aubergines, piments, courgettes, ail, oignon, salade, concombre, Choux…

Son retour d’expérience après 4 années : il estime avoir eu assez peu de maladies sur les plantes, ce qu’il suppose être lié aux plantes qui apprennent à se protéger toutes seules. Lorsque certaines plantations lui demandent trop d’énergie, il les abandonnent au profit d’autres (peu de crucifères – choux, roquette, radis – qui se font trop manger par les altises, il s’essaie toutefois aux filets pour les protéger).

Son téléphone sonne : priorité au direct. C’est la commande de la maison de retraite du village, Anaïs notre prépa-étape devient secrétaire un court instant et note « 10kg de crimée et 2 caisses de salade, c’est noté ».

Aujourd’hui, Georges vend auprès de pas mal de restaurateurs locaux (dont un restaurant avec lequel il échange beaucoup pour adapter sa production à leurs attentes), l’hypermarché local qu’il a démarché, la maison de retraite, et il a fait installer depuis peu des casiers de vente à la sortie du village. Cela lui fait une clientèle régulière et fidèle qui lui permet d’avoir un contact direct avec les consommateurs, ce qu’il apprécie. Son fonctionnement simple et peu industrialisé lui permet de personnaliser sa production et d’assurer un niveau de qualité qui est apprécié par les consommateurs.

Pendant l’été, il travaille 8h/jour au jardin, et complète avec un temps de travail conséquent au bureau le soir. Il regrette d’avoir autant d’administratif à faire, mais admet que ses compétences professionnelles antérieurs lui donnent une aisance informatique qui l’aide à s’organiser. Il apprécie toutefois fonctionner avec une certaine simplicité (calendrier de son téléphone pour les prises de commande, quelques fichiers excels pour l’organisation de sa production). Depuis peu, Georges a embauché un saisonnier qui lui fait gagner beaucoup de temps, et lui permet d’avoir un faible temps de travail le WE (surveillance de la météo et remplissage des casiers).

Selon Georges, le vrai souci des agriculteurs : « c’est la météo. A ce niveau, c’est de la maltraitance. Tu passes tes journées sur ton appli météo. ».

Georges apprécie son modèle de production efficace sur un petit terrain. Son objectif est de pérenniser, d’optimiser toujours et encore sa production et son travail, de réussir à embaucher un collègue à temps plein, et de développer la production de fleurs comestibles (une demande de ses restaurateurs).

« Toutes les municipalités devraient confier 2 hectares à 4 maraîchers, c’est ça le modèle de l’agriculture qu’il faudrait pour nourrir le monde. »

Pour plus d’informations sur le Jardin de l’Oncle Charles, vous pouvez consulter sa page Facebook.

L’alterjournaliste du jour a failli à sa mission de prendre en photo l’échange passionnant qui a eu lieu, veuillez nous en excuser et accepter cette photo prise lors des remerciements, au moment de quitter le jardin de l’Oncle Charles.

La journée se termine par une douche collective à l’eau du puisage de Georges, puis d’un briefing du soir, animé depuis les douches et toilettes sèches de l’AlterTour (nos altercyclistes n’ont aucune limite).

La soirée se termine avec des petits jeux de connaissance, appréciés vu le grand nombre d’arrivées ces derniers jours.

C’était le vendredi 19 juillet, demain le tour prend la direction de Lauthenbach.

Alterjounaliste : Olivier