Bure, journée poignante

Nicolas DuclosAlterTour, Édition 2024, Grand Est, Lutte

Hier nous avons planté nos tentes dans la ferme de Jean-Pierre, notre accueillant, à Cirfontaine près de Bure. Et aujourd’hui nous partons explorer avec lui les alentours à vélo.
Bure est l’épicentre du projet de la gigantesque poubelle souterraine atomique nommée Cigéo.

Une visite … encadrée

Après un trajet de quelques minutes à vélo, JP nous arrête une première fois au milieu d’un chemin. De chaque côté du chemin, des terres agricoles. On distingue cependant, au milieux de ces grandes étendues agricoles, un espace de culture moins rectiligne, une organisation des cultures qui ressemble plutôt à du maraîchage. C’est une parcelle prêtée par JP pour les Semeuses, un collectif de maraîchage de Bure dont fait partie Axelle qu’on a vu hier et qu’on reverra aujourd’hui. 

On a bien du mal à l’imaginer mais l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) a prévu de faire passer une ligne de chemin de fer sur ces parcelles. JP nous décrit minutieusement le tracé de la ligne, une partie de ses terres lui ont déjà été enlevées pour la faire passer par là. Il a d’ailleurs appris récemment, par lettre recommandée, que la largeur des terres réquisitionnées pour la ligne serait allongée de 20 mètres de chaque côté. Cette ligne est prévu pour relier Gondrecourt aux sites d’enfouissement des déchets. La ligne jusqu’à Gondrecourt devrait être restaurée par le réseau ferré de France (RFF), et la jonction entre Gondrecourt et les puits d’enfouissement serait mise en oeuvre par l’Andra.

Au bout du chemin, on distingue l’avant d’une grosse voiture, bleu foncé. Nous sommes épié’es. Depuis notre arrivée, nous avons vu passer régulièrement les voitures des gendarmes. Iels nous ont pris’e en photo, sont venu’es nous voir, restent régulièrement pas très loin de nous. Ce matin derrière les serres-files, les cyclistes qui ferment l’alter-peloton du Tour, une voiture de gendarme finissait le cortège ! À tout moment lors de nos déplacements, en regardant autour, nous voyons, l’avant d’une voiture sortir d’un chemin caché ou encore une voiture de la gendarmerie qui fait une ronde pas très loin.

Implantation rurale

Nous repartons pour la suite de notre visite. Jean-Pierre nous arrête cette fois au milieu d’une vaste étendue d’herbes hautes et fleuries. Ces terres achetées par l’Andra ne sont plus cultivées. Seules quelques plants de luzerne trahissent le passé agricole de ces parcelles. Cette énorme prairie entoure le laboratoire d’expérimentation de l’Andra. On distingue celui-ci au loin, une tour rectangulaire qui sort du reste du paysage. À sa droite un petit village de 80 habitants, Bure. À sa gauche un énorme bloc cubique, le centre d’archives d’EDF !

C’est là que nous commençons à comprendre les raisons du choix de Bure pour implanter Cigéo. Le site est placé idéalement entre deux départements, la Meuse et la Haute Marne, une démographie faible, pas d’industrie, un sol argileux (mais comme dans beaucoup d’autres endroits) « idéal » pour enfouir des déchets. C’est là qu’on comprends également l’emprise de l’Andra sur la région entre les sorties scolaires organisées avec picnic pour faire la publicité du site, les millions déversés aux communes et aux départements qui permettent notamment à un petit village d’avoir des infrastructures dignes d’une grosse ville, l’acquisition et bientôt l’expropriation des parcelles agricoles, etc. C’est donc ici que le projet Cigéo compte enfouir à 500m de profondeur, dans des alvéoles, 85 000 m3 de déchets nucléaires hautement radiactifs ou moyennement radioactifs et à vie longue, les HAVL et MAVL.

C’est encore une voiture de gendarme qui se pose à côté de nous quand nous nous arrêtons au rond point qui sépare le centre d’archives d’EDF et le laboratoire créé par l’Andra pour tester les puits d’enfouissement. Cette fois au milieu des explications de JP, les gendarmes demandent à parler à un « responsable ». Quelques altercyclistes vont voir les gendarmes pendant que JP continue à nous décrire ce qu’il y a autour de nous. Le village dans lequel se trouve un hôtel restaurant, un musée, une bibliothèque, une salle des fêtes XXL, habrite avant tout le fameux laboratoire de Cigéo. Ce labo ne sera jamais qu’un puit destiné à l’expérimentation, il ne sera jamais en service réel. Arborrant les drapeaux de la France, de la région, de l’Andra, barricadé, entouré de fil barbelé, le site est visiblement sous haute protection. 

Lieux de luttes

Enfin, JP nous aménera à BZL (Bure Zone Libre) puis à la gare de Luméville et nous finirons à l’Augustine. Tous ces lieux rassemblent des collectifs en lutte contre le projet de Cigéo. Cette exploration de bure et ses environs nous aura permis de prendre conscience et connaissance de l’ensemble des problématiques soulevées par l’enfouissement des déchets, d’appercevoir toutes ses incohérences, toutes ces prises de pouvoir, parfois illégales, de l’état. Le niveau de répression et de contrôle étatique sur la région est impressionnant, et la détermination de l’ensemble du réseau citoyen et militant qui s’est construit et se construit encore pour empécher de générer un drame nucléaire pour les milliers d’années futures est tout simplement incroyable !

Merci à JP, Axelles et tou.tes celeux que nous avons pu rencontrer. Merci pour leur détermination et merci à eleux de prendre soin de notre avenir.