« Une autre faim du monde est possible ».
Séduit par ce titre racoleur et par la bande annonce , nous avions décidé d’embarquer en gare d’Auterive pour tenter l’aventure.
14 juillet 2012 : Arrivée par le train de 15 h en gare de Saint Jean de Verges .Nous enfourchons nos vélos pour nous rendre à Loubières (Ariège) où nous sommes accueillis par les ami(e)s de la revue Silence.
Le temps de planter la tente dans la forêt (un détail qui facilitera notre intégration dans le groupe des altercyclistes le lendemain matin ) et nous repartons pour Foix où l’AlterTour fait étape dans le cadre du festival Résistances.
Après la projection de « l’Age de tous les dopages » tourné lors de l’Alter Tour 2009 , c’est la rencontre avec le groupe à l’occasion de l’Assemblée du soir.
Le cercle de parole s’installe et j’assiste à une alter prise de bec entre les anciens et les modernes sur le thème du respect des horaires mais grâce à l’écoute et au consensus qui font partie des règles, la page est tournée après quelques atermoiements. Puis c’est le retour de nuit à Loubières.
Au matin , lever 7 h pour un petit déjeuner qui précède la distribution des tâches sur un modèle d’organisation horizontale qui fleure bon la craie et le tableau noir à l’heure du Power Point à vocation pyramidal.
Nous prenons congés de nos hôtes pour prendre la direction de Vira pour l’une des étapes les plus courtes de cet AlterTour. Nous sommes accueillis par Philippe Babin viticulteur bio du domaine des coteaux d’Engravies avec lequel je prends date pour un ciné Citoyen à l’automne autour du film « L’esprit du vin , le réveil des terroirs ». Habité par la passion de son métier et un sens du partage , nul doute qu’il sera l’homme de la situation.
Après une visite chez un jeune maraîcher installé dans la commune voisine de Dun qui nous fournira la matière du repas du soir c’est le retour au bord du Douctouyre où nous installons le campement. L’étape du lendemain nous conduira à Limoux et je pose ma candidature pour être l’Alter journaliste du jour.
16 Juillet, 6h30 : Le chant des oiseaux m’invite à m’extirper du duvet. Dans un état semi léthargique, je me dirige vers le lit de la rivière où une famille de barbeaux me cède la place contrainte et forcée. Quel bonheur !
Instant de plaisir solitaire avant le réveil musical. Après le petit dej. il faut songer à plier bagage. L’esprit de coopération qui règne chez la cinquantaine de participants est exemplaire. En moins d’une heure le matériel de cuisine, les tentes, tout, y compris les toilettes sèches a retrouvé sa place dans le fourgon ou la remorque. A cette occasion je découvre l’un des principes essentiels de l’alter touriste : » je cycle et je recycle ». Illustration : « Le Défecétron » rencontre improbable entre une cabine de plage fabriquée en Asie par une chaine de grande distribution à vocation sportive et des toilettes sèches , il fallait y penser…
Stéphane, fidèle à ses choix politiques, s’élance en tête à la vitesse de l’escargot. Direction Rivel près du lac de Montbel où nous avons rendez vous avec Jean Marc Pirlot producteur de truites bio des Viviers Cathares qui nous fournira la matière première de notre déjeuner. Une halte relais est prévue à Laroque d’Olmès où nous prenons des nouvelles de l’autre tour celui de la compétitivité mondialisée qui a traversé la ville en trombe sans s’attarder sur l’état de santé de l’industrie textile locale sous perfusion de capitaux étrangers, ni sans saluer « fabulous fab » Barthez, l’enfant du pays. Aussi décidons nous de rattraper ce manque de reconnaissance pour nous prosterner à l’autel de la performance et de la baguette fraiche réunies.
Fidèles à notre crédo anti-dopage de l’économie, de l’agriculture, du sport, nous reprenons le route en empruntant la voie verte. Voie verte qui nous conduit jusqu’à Chalabre où nous sommes attendus par les autorités locales , par des représentants de la confédération paysanne et un producteur de pâtes fraiches labellisées Nature et progrès sensées accompagner les truites cathares.
J’en profite pour me rapprocher en pédalant de Bruno, l’ariégeois, organisateur local de cette première semaine d’AlterTour. Bruno Sans, c’est du concentré de pêche et de banane. Impossible de le rater celui qui se définit comme un handicapé de luxe parce qu’il dispose de ses deux bras et qu’il se déplace en Hand Bike en totale autonomie. Nous évoquons l’état du revêtement de cette voie verte qui n’est pas comparable au tronçon qui relie Saint Girons à La Bastide de Sérou et tout en actionnant les manivelles, l’idée de projets communs entre voisins fait son chemin…
Arrivée à Chalabre où la population boude l’événement pour incompatibilité d’humeur entre M. le maire qui fait une courte apparition et l’association Lien et lnitiatives Citoyennes en Terre Privilégiée (dénomination originelle de la région du Quercorb). Bref c’est Palabres à Chalabre.
Je décide de profiter du temps de cuisson des pâtes pour organiser un atelier baignade dans le lit du Grand Hers qui traverse la commune. Toute proportions gardées , cet atelier est à Paris Plages, ce que notre périple vélorutionnaire est à la grande boucle. Nos amis parisiens retrouvent le temps de prendre le temps de la simplicité volontaire et du Buen Vivir. L’heure est venue de passer à table pour ce qui restera le moment gastronomique de cette semaine.
Suit un échange avec les représentants locaux de la Confédération Paysanne et les membres de la L.I.C.T.P. dont les projets semblent perturber les autorités locales mais pas les boulistes qui partagent notre salle de réunion ombragée.
Il est temps de reprendre la route. A peine entrés sur le territoire de l’A.O.C. de la blanquette de Limoux la pente s’accentue. Les mulets se relaient pour donner un coup de mollet à l’ami Bruno qui terminera ce tronçon accompagné d’un cœur altercarioca. Mais l’actualité n’attend pas, un événement chasse l’autre après l’épisode » Vélorame » je suis appelé en tête de peloton pour une interview exclusive d’un représentant de la société Valorem. J’apprends que cette société implantée dans la région bordelaise spécialisée dans la transition énergétique emploie 80 personnes et que 60 membres de cette structure se rendent sur leur lieu de travail en vélo et sont membres d’une AMAP. Mon informateur qui préfère conserver l’anonymat m’informe en outre qu’il est spécialiste en extinction des feux en milieu urbain. Information que j’aurai l’occasion de vérifier lors de la traversée de Mazamet. (pour en savoir plus c’est ici)
A l’approche de Limoux , le rôle des flèches humaines qui sont présentes à chaque carrefour ou changement de direction susceptibles de semer le doute sur le cap à suivre, devient vital. Le serre file portant le maillot jaune de l’AlterTour les rassemble tel un berger sur l’estive avant l’arrivée à notre étape du soir au lieu dit Echausses le Chalet. Une douche solaire et réparatrice plus tard il est temps de songer au repas auto géré. L’alter journaliste se transforme alors en essoreur de salade. A l’issue du repas nos hôtes nous présentent leur projet qui a reçu l’appui de Terres de liens. L’impression d’ harmonie ressentie en arrivant sur le site jusque dans le sourire des enfants se vérifie. Un projet de vie basé sur des valeurs telles que la solidarité, l’écologie, l’autonomie et où la culture n’est pas en reste. Une diversité de savoirs et d’expériences réunissant en un même lieu un producteur de fruits et légumes bios adepte de la traction animale un cabinet de sage femme, un consultant en gestion forestière et un luthier. Donner la vie, nourrir le corps et l’esprit, respecter la planète : Je venais de découvrir le secret de cet Alter Tour qui se dope à l’humain …