L’AlterTour fait étape à Chalon. En route avec ceux qui roulent à la rencontre d’alternatives au dopage de l’économie et de la société.
Un va-et-vient incessant de T-shirts colorés et estampillés « Non à une société dopée ». Répartition des vélos, vaisselle, rangement des tentes. Direction Anost, 22 km plus loin, pour la cinquantaine de cyclistes de l’AlterTour 2013, qui traverse le Centre, la Bourgogne et la Franche-Comté, jusqu’au 25 août. Chaque année, la région change mais le principe reste le même : rallier à vélo diverses alternatives. Producteurs locaux et bio, hébergement à la ferme, école Montessori… « Il s’agit d’endroits où les valeurs de base sont humaines. Pour une société plus juste et économiquement soutenable. Le vélo, c’est un clin d’œil au dopage, car la société dans son ensemble est dopée : les pesticides en agriculture, l’économie qui ne correspond plus à l’économie réelle… », décrypte Sophie, 33 ans, responsable de l’étape à venir.
Autogestion
À peine le temps de terminer son bol, que le coresponsable du jour, Romain, l’interpelle pour le briefing. Un rituel quotidien afin de présenter l’étape et répartir les tâches : intendance, réveil, conduite des véhicules… L’AlterTour fonctionne donc en autogestion et la gérance est tournante. Aline, 27 ans, déjà coiffée de son casque, témoigne, large sourire aux lèvres : « Je ne suis pas militante à la base. Lors de mes premières participations, je complexais. Mais aujourd’hui, dès que je rentre chez moi, j’ai envie de tout révolutionner. Et je me suis mise à manger local et bio.»
Alors que de nouvelles têtes rejoignent le groupe, comme à chaque étape. Certaines le quittent. Non sans regret. « Ma participation n’était pas prévue ! Je les ai accueillis dans mon association d’auto-réparation de vélos, à Dijon. Puis je les ai suivis. Leur organisation collective m’a fasciné », s’émerveille Philippe, 37 ans, sur le point d’avaler 80 km en deux roues. « Nous nous appuyons sur les luttes classiques et les alternatives en marche pour créer un militantisme festif et attrayant pour les gens extérieurs. Car le militant a encore trop l’étiquette du râleur, qui fait peur », avoue Mathieu, 30 ans, l’unique salarié de l’association AlterTour.
« Marchandisation »
Sous les casques, tous les âges, tous les profils. Militants avertis ou en devenir. Fabien, 45 ans, se sent ici « comme un poisson dans l’eau ». Bavard mais réfléchi, il s’explique volontiers : « En observant ces alternatives qui donnent aux citoyens les moyens d’être maître de leur avenir, je suis encore plus convaincu que l’individu est devenu une marchandise. » Les voilà partis sur la route étroite et vallonnée, à travers la forêt du Morvan. Des binômes se forment, échangent. Les drapeaux colorés flottent à l’arrière des bicyclettes : « Non au nucléaire » ou « OGM, j’en veux pas ». Au carrefour, à la rencontre de villageois, ils distribuent des flyers, lancent des bonjours jovials. Élisabeth souffle plus fort que les autres. Elle a 64 ans. Une vie passée à vivre en harmonie avec la nature. Toilettes sèches, sans électricité, pendant longtemps. « Je suis déjà conquise mais je suis toujours autant émerveillée par le monde qui s’associe à ces causes. » Quelques tours de roues et elle dépasse Léa, 14 ans. La relève semble assurée.
Source : http://www.lejsl.com/saone-et-loire/2013/08/04/le-changement-en-pedalant