Bruno Sans, bientôt 42 ans, affiche un grand sourire et une tchatche de la même taille. À la mesure de laventure cycliste et humaine dans laquelle ce Lunellois sest lancé en 2008. Paraplégique depuis ladolescence suite à un accident, il a en effet choisi de partir seul sur les routes, en France comme à létranger. Son fauteuil se range alors à larrière de son handbike, vélo au ras du sol, et il se met à pédaler avec les mains.
Plaisir, émotions, rencontres : au fil de centaines de kilomètres, ce sportif a ainsi amorcé une belle histoire. « Dans les voyages que je faisais déjà avec lassociation Aventure handicap, je trouvais que ma sensation de liberté était diminuée. Partir dun point A et y revenir, avec une assistance, pour retrouver son fauteuil… Je ne gagnais pas en autonomie. Comme le dit mon père (NDLR : le pâtissier Pierre Sans), je suis un stakanoviste de lautonomie. Mais si on sort de ce périmètre, ça prend une autre dimension. Cest vertigineux ! Jai limpression dêtre un pionnier. »
Cette sensation extrême, découverte lors dun premier voyage vécu comme un défi personnel, le cycliste a donc décidé de la revivre. Enchaînant les départs, laissant sa famille plusieurs semaines, pour se muer en « nomade à vélo ».
Il avance ainsi au gré des échanges humains et des « routes blanches sur les cartes », une petite radio à dynamo pour seule compagnie, dressant sa tente (camping ou bivouac sauvage), soffrant des « couchers de soleil au milieu de nulle part ».
Du Nord au Sud de la France en passant par lîle de Ré (1 450 km en 30 jours), le long du canal du Midi, du Québec à Boston (États- Unis), il a ainsi multiplié les aventures. En mai dernier, direction la Corse, où il sest testé au sommet des cols. Puis en juillet, il a participé à l’arrivée de l’AlterTour (pour un monde plus propre et sans dopage) sur le Larzac. Une manifestation dont il veut devenir le relais, l’an prochain, en Ariège, où il vit désormais.
Car Bruno Sans a aussi lesprit militant. Programmateur au festival de cinéma Résistances, à Foix, intéressé par tout ce qui relève des alternatives, il souhaite cultiver, dans un monde quil trouve hyper stressé, un temps plus lent.
A son rythme (avec toutefois un record en descente à 93 km/h…), sur la route, Bruno Sans na quasiment jamais rencontré de problème. « Cest hors norme, les voitures font plus attention », a-t-il remarqué. Une fois, aux États-Unis, il a eu peur, mais à cause dune blessure et de « laffreux Dave », qui refusait de laider. Il préfère raconter cette vieille dame « en train darroser son jardin à la fraîche. Je lui tends mes bidons, quelle remplit. Je lui demande sil y a un camping. Elle minvite à planter la tente dans son jardin ». Car son voyage nest pas uniquement solitaire : « Je cherche le contact. Je sollicite en permanence la bienveillance des gens ». Depuis son vélo, il les trouve plutôt « ouverts et généreux ». Alors il nest pas prêt de sarrêter de pédaler…
CAROLINE FROELIG, Midi Libre
Source : http://www.midilibre.fr/2011/08/12/bruno-sans-aventurier-solitaire-en-handbike,370809.php