Le respect de soi et des autres, le sentiment de notre dignité morale, devraient placer la préservation de la vie au dessus de toute vexation personnelle ou patriotique. Pourtant, le cerveau reptilien sur lequel s’appuie – à notre insu – notre réflexion, pousse plutôt volontiers au duel ou à la guerre.
L’honneur qui s’applique à défendre l’impulsivité de nos cerveaux reptiliens est bien mal orienté.
Dans l’est et le nord de la France, l’AlterTour longera cette année des zones frontalières qui furent le théâtre de conflits armés dont le bilan meurtrier doit beaucoup à une certaine exploitation de la science.
Sur ce thème, les réflexions de Jean de Lyon…
Honneur, du grec «Honos»: ‘hommage rendu aux dieux’ après un combat. C’est une valeur masculine, guerrière. Pour être honorable, il fallait avoir combattu.
Le mot Duel ne vient pas de duo, mais de «duellum», forme ancienne de «bellum» : guerre. Dans l’antiquité, il s’agissait de combat singulier, d’épisode de guerre. A la renaissance et durant les siècles suivants, cette pratique, fréquente chez la noblesse, provoqua une hécatombe de gentilshommes. Elle fut interdite, d’abord mollement, sans effet. Richelieu la sanctionna par la peine de mort. Les duellistes se firent plus discrets. Tolérance sous la Révolution et l’Empire. Recrudescence des duels d’honneurs censés réparer une offense ou un tort au 19e siècle. Ce fut une sorte d’institution propre à la bourgeoisie et l’aristocratie. « On lavait son honneur dans le sang ! » Cette lessive à l’hémoglobine fit deux cent morts de 1826 à 1834 !
Des grands noms du siècle se retrouvèrent sur le terrain à risquer leur vie pour des prétextes futiles. Le «monsieur qui ne se bat pas est un poltron». Il fallut attendre la seconde guerre mondiale pour que la coutume disparaisse. Il faut dire que l’invention de la lessive nucléaire rendait suranné cet affrontement intimiste.
Jadis, ne rien faire ne pouvait être qualifié d’honorable, alors qu’aujourd’hui, époque plus «raisonnable», des comportements allant dans ce sens sont cités comme exemplaires : patience «courageuse», discrédit de la vendetta, réflexion avant l’action, valorisation de la méditation, de l’élévation de la pensée… Au niveau national, les actes et déclarations considérés comme des atteintes à l’honneur national n’entraînent plus une situation de belligérance comme par le passé, mais sont réglés sur le plan diplomatique par diverses mesures, demandes d’excuses, rappel d’ambassadeurs, ou, à l’inverse, expulsion de diplomates.
L’honneur venait de la victoire sur le champ de bataille. Le vainqueur avait tous les droits pour humilier l’adversaire, ses biens les plus précieux sont conquis, et en premier lieu ses femmes. L’honneur perdu de la femme était d’abord celui, défait, de l’homme. Dans la société féodale, la femme assure la descendance et la transmission du patrimoine par la maternité. La filiation doit être sans tâche. Aussi, sa virginité, sa sexualité, ne lui appartiennent pas. Ces aspects guerriers et claniques survivront longtemps. Ils représentèrent les bases de la noblesse. On les retrouve dans certaines cultures et traditions contemporaines. De nos jours, lorsqu’une femme est victime de viol ou de harcèlement sexuel, la justice parle moins d’honneur que d’atteinte à la dignité, à l’intégrité de la personne.
La Révolution et la Déclaration des Droits de l’homme marquent le début d’une période où les progrès de la science et de la technique vont changer totalement les modes de vie. Le développement des chemins de fer est sans doute l’œuvre collective la plus gigantesque de l’histoire. En un siècle, maçons, tailleurs de pierre, construisirent ponts, viaducs, tunnels, des monuments comparables aux cathédrales, en bien plus grand nombre, avec pratiquement les mêmes moyens matériels ! Ces bâtisseurs, regroupés en chantiers comptant des milliers d’ouvriers dirigés par des ingénieurs sortant de l’Ecole Polytechnique, avaient la conviction d’agir pour le bien de l’humanité en créant le moyen de rapprocher les hommes.
Leur déception fut grande lorsqu’ils apprirent que le résultat de leur travail avait permis aux militaires, par réquisition, l’acheminement des armées sur les champs de bataille de Crimée.
Conscience et morale sont souvent bafouées par des pouvoirs avides de richesses, de puissance, d’«honneurs». Ce mercredi 3 mars 2009, l’émission « des racines et des ailes » de France 3 était consacrée aux séjours somptueux au château de Compiègne, offerts par Napoléon III à des centaines d’invités de l’aristocratie et de la grande bourgeoisie de l’époque. Les officiers qui plastronnaient dans ces soirées pouvaient raconter leurs campagnes, et les hommes d’affaires organiser leurs réseaux d’influence.
Avant cette période, fastueuse pour les riches, c’est la révolution de 1948 qui se termine par une reprise en main du pouvoir par les conservateurs ; après, ce sera l’épisode tragique de la Commune de Paris, et une période très longue et douloureuse pour cette classe ouvrière qui croyait être née sous de bons auspices mais dont la répression sauvage laissera des séquelles définitives. Un curieux processus de développement se met en marche.
Guerres et industries en tous genres font synergie. Les progrès de la science et de la technique doivent profiter d’abord aux armées. Cette idée, qui se combinait bien avec le patriotisme des jeunes états Européens, s’imposa. Les horreurs de la guerre de 14-18, où l’industrie lourde et la chimie torturèrent des millions d’hommes, n’empêchèrent pas la folie du nazisme fondée sur une idéologie robotisée. Idéologie pour laquelle certains scientifiques mirent leurs connaissances au service d’Hitler dans le domaine nucléaire. Albert Einstein, qui connaissait le risque, poussa Roosevelt dans la course à la bombe atomique.
• Hiroshima est atomisée le 6 août 1945 : 140 000 victimes ;
• Nagasaki l’est également le 9 août 1945 : 70 000 victimes.
L’humanité est entrée dans l’ère atomique.
L’ONU est crée en 1945. Son texte fondateur est la Charte des Nations Unies, dont le but est de maintenir la paix et la sécurité dans le monde et de bâtir un avenir meilleur pour tous.
L’accélération du développement déclenchée par les destructions de la guerre fait apparaître des risques de dérives. La « croissance », dont on parle tant aujourd’hui, ne peut se faire sans règles :
Le 10 octobre 1975, l’ONU proclame sa déclaration sur l’utilisation du progrès de la science et de la technique dans l’intérêt de la paix et au profit de l’humanité. « Tous les Etats doivent prendre des mesures pour que toutes les couches de la population bénéficient des bienfaits de la science et de la technique et les protéger des conséquences négatives qui pourraient découler du mauvais usage du progrès scientifique et technique… ». Le principe de précaution vient de naître.
Ce principe, rejeté aujourd’hui par certains scientifiques comme frein insupportable à la recherche, doit au contraire être activé si l’on considère le degré actuel de pollution des fleuves, de l’air, des sols, …sans oublier de bien gérer les nouvelles inventions (OGM, portables, nanotechnologies,…) ! Transparence, information, indépendance, sont les règles que toute démocratie devrait fixer à ses chercheurs et chercheuses.
A propos, quelle a été le taux de participation des femmes dans la période ici évoquée ?…
Jean Hérault