Quelques km après nous être séparé-e-s du groupe principal, nous rencontrons le collectif zéro à la rue, dans une petite rue calme d’un quartier résidentiel, rue Forestout. Plusieurs personnes du collectif sont dans le jardin qui borde la rue, et nous accueillent chaleureusement. Tout de suite, une grande fresque capte le regard : plusieurs photos de visages en grand format, des visages durs, des visages fiers, des visages marqués. Ils sont ceux de migrant-e-s hébergé-e-s, ou ayant été hébergé-e-s, sur les lieux, et dont les traits ont été immortalisés par un artiste. Ils ne font désormais plus qu’un avec la pierre.
Le contact passe tout de suite bien, nos hôtes nous font visiter une des maisons récupérées pour accueillir une famille de migrant-e-s. On s’installe tou-te-s dans le jardin autour de quelques tasses de café ou de thé encore fumantes, pour échanger avec des membres du collectif. Ils nous expliquent comment Brest Métropole Habitat (BMH) vandalisait les maisons vides (elles appartenaient à la SNCF pour abriter des familles de cheminots) pour que les personnes à la rue ne puissent pas y habiter. Un coup de hache dans la plomberie, un coup de massue dans les sanitaires, histoire de rendre le lieu impropre à l’habitat. Le collectif a pourtant averti de la présence d’occupant-e-s dans ces maisons. Rien n’à faire, il semble que l’argent ait depuis longtemps pour eux plus de poids que les gens. Et BMH sait pertinemment qu’il agit dans l’illégalité, seulement ils n’ont pas bien peur des représailles avec en face d’eux des personnes dans la plus grande précarité, souvent sans papier. Autre procédure scandaleuse : le contrôle osseux de l’âge des mineur-e-s, pratique non reconnue par l’ordre des médecins (elle conduit à des erreurs dans l’estimation de l’âge de 1 à 4 ans), et qui permet aux autorités de demander à des jeunes de partir dans les 48h du lieu où illes étaient hébergé-e-s. Mais face à la barbarie institutionnalisée, le collectif se bat pour que ces personnes puissent vivre dans un logement décent. Ces membres se sont retroussé-e-s les manches, ont réparé les dégâts commis par BMH, réhabilité les maisons, distribué des sourires, fait du lien. Ainsi 2 familles de 4 et 6 personnes sont logées dans ces maisons, une troisième maison est en cours de réhabilitation. Notons que rien qu’à Brest 6500 logements sont vides, en Europe se chiffre s’élève à 11 millions pour 3 millions de personnes vivant dans la rue. Ça fait réfléchir…
De cette rencontre, m’est resté un drôle de sentiment. Ce fut fort, ce fut touchant, ce fut triste et en même temps porteur d’espoir, et je pense que le collectif était également heureux de rencontrer des gens partageant les mêmes valeurs. Mais j’ai quand même eu l’impression de faire du tourisme. 2 heures de rencontre pour un tel combat c’est trop court. J’aurais aimé faire plus, aller faire une action militante à la mairie, interpeller les gens dans la rue. Certes il y a trop de causes, on ne peut être investi-e dans toutes. Alors au moins, avons-nous le devoir de continuer à informer, de raconter ce que nous avons vu, et pour celles et ceux qui trouvent le temps, se renseigner chez nous, sur les drames que vivent ces personnes dont le seul crime est de chercher à vivre dignement. Il n’y a pas qu’à Brest, loin de là, qu’on érige des murs entre les cultures et les personnes…
Vincent K.
Pour aller plus loin : zeropersonnealaruebrest@riseup.net / zeropersonnealaruebrest@noblog.org / facebook zéro personne à la rue Brest / 07 77 44 94 99