Chaque année depuis dix ans, plusieurs dizaines de cyclistes amateurs parcourent la France à vélo. Le but, découvrir les projets de ceux qui agissent pour la transition écologique. L’AlterTour a pris son départ lundi 10 juillet à Toulouse.
Toulouse, correspondance
« L’AlterTour, c’est un tour familial qui n’est pas sportif, une balade à vélo à la rencontre des acteurs de la transition écologique. » Quand on lui demande de définir l’AlterTour, c’est ce que répond Mathieu Fromont, coordinateur de ce voyage à vélo qui prend son départ de Toulouse lundi 10 juillet.
Le projet a été lancé sous l’égide d’Altercampagne. Ce collectif d’organisations avait fait de la lutte contre les OGM son cheval de bataille. « En 2008, quand le moratoire est tombé, on a réorienté notre action en continuant à lutter contre les OGM, les paradis fiscaux mais aussi en allant à la rencontre des acteurs du changement », relate le coordinateur. Des acteurs qui s’inscrivent contre ce que l’association appelle « le dopage généralisé ». Un « dopage agricole » qui fait référence aux pesticides utilisés dans les champs, un « dopage commercial » qui pousse à une consommation incontrôlée de matières premières et à un accroissement des déchets mais aussi un « dopage énergétique », producteur lui aussi de déchets et moteur d’un monde où croissance et destruction vont de pair.
Chaque été donc, Mathieu Fromont enfourche son vélo avec plusieurs dizaines d’autres cyclistes amateurs pour parcourir la France et découvrir des ecolieux. Au total, ils seront entre 300 et 350 à se visiter cette année des chantiers d’éco-construction, des habitats partagés, des fermes agroécologiques, des ateliers de réparation de vélos participatifs et solidaires ou encore des micros brasseries.
« Quand on a commencé, on avait du mal à trouver ce type de projets, il fallait parfois parcourir 100 kilomètres par jour. Aujourd’hui on en voit tous les 30 kilomètres », explique Mathieu Fromont. Ce tour de France particulier souffle sa dixième bougie cette année. Il a débuté les festivités ce week-end à Toulouse avant le départ ce lundi pour arriver 1.200 kilomètres plus tard à Valence, le 20 août.
Chaque participant est libre de choisir à quel moment de l’étape il souhaite se joindre au groupe, mais aussi en partir. Les « altercyclistes », comme ils aiment à se nommer, viennent de partout en France, de Belgique, mais aussi d’Espagne, de Suisse, de Hollande ou encore d’Angleterre. Ils ont tous les âges : cette année, l’altercycliste le plus âgé a 73 ans, le plus jeune, deux ans. La mise en place d’un tarif dégressif selon les revenus – pour payer l’hébergement, les repas, les véhicules pour transporter matériel de camping et aussi altercyclistes épuisés – ajoute encore à la diversité des personnes qui s’inscrivent sur le tour.
Dimanche 9 juillet, veille du grand départ, le groupe faisait escale à l’atelier Vélorution de Toulouse. Le temps de récupérer quelques vélos et triporteurs, des vélos sur trois roues. Mais aussi de discuter sur le travail effectué par les ateliers Vélorution, lieux où l’on apprend à réparer un vélo et qui font la promotion de ce moyen de locomotion respectueux de l’environnement. « Ces ateliers de vélo permettent à n’importe qui de devenir réparateur et de se déplacer à vélo. C’est un formidable travail d’éducation populaire », commente Mathieu Fromont.
Dans la ville rose, longtemps acquise au Tout voiture, l’association Velorution milite activement pour un réel aménagement des pistes cyclables. « Ici, on est dans une critique radicale du système. La voiture en ville existe car il y a un déficit de transports publics », dit Olivier Théron, le fondateur de l’antenne toulousaine.
« Nous ne voulons pas démontrer qu’un autre monde est possible, mais qu’il existe déjà »
Si pour cette dixième édition, le tour se concentre sur la partie sud de l’hexagone, il joue aussi la carte européenne puisqu’à côté du circuit initial sont prévus deux parcours parallèles – nommés Echappées Belles – d’une dizaine de jours dont l’un passera par l’Espagne. Pour tous cependant, le programme restera le même : visite des ecolieux, participation aux chantiers, repas communs, une nuit sur place mais surtout des échanges pour croiser les regards et expériences sur des projets comme celui de la commune de Saillans dans la Drôme, visité les 12 et 13 août. Dans ce village d’un peu plus d’un millier d’habitants, les citoyens réinventent l’outil démocratique. Depuis les dernières municipales, et l’élection d’une liste citoyenne, la gouvernance du village se fait de manière collégiale.
« Avec nos étapes, nous ne voulons pas démontrer qu’un autre monde est possible mais qu’il existe déjà », souligne Mathieu Fromont, « persuadé que le changement politique qui viendra ne fera que suivre les citoyens ».
Agir de manière collégiale, c’est aussi le fonctionnement qu’ont choisi les altercyclistes. Julie, Parisienne de 31 ans, est membre du collège solidaire de l’AlterTour. « L’association est remarquable dans sa politique d’accessibilité. Nous marchons en autogestion, si une personne vient avec une bonne idée, il y aura toujours une place pour l’exprimer », explique la jeune femme.
Organisatrice d’étapes, elle suit l’initiative pour la troisième fois. « L’AlterTour est facteur de changement. Certains étaient ingénieurs et ont quitté la ville pour devenir paysan, boulanger. Pour d’autres il s’agira de petits changements. J’étais très attaché à l’école républicaine, le fait d’avoir découvert des alternatives en manière d’enseignement m’a fait prendre conscience que l’on pouvait aussi faire autrement », souligne-t-elle, avant d’affirmer un sourire dans la voix, « avoir aussi été convaincue qu’il était possible de choisir un régime alimentaire végétarien tout en se régalant ».
« C’est l’anti voyage où on prend l’avion pour aller en club »
Cette idée de faire autrement, Cyril, Parisien comme Julie et qui en est à sa quatrième participation, y voit lui aussi un grand intérêt. L’an dernier, le quadragénaire est venu avec ses trois enfants âgés de 16 à 12 ans pendant une semaine. « Ils étaient sur un rapport d’égalité avec les adultes et cela leur a beaucoup plu. Tous les jours, on se rassemble pour décider des tâches du quotidien. Qui cuisine, fait la vaisselle, s’occupe des toilettes sèches, de réparer les vélos. Il n’y a pas de chef, pas de hiérarchie », souligne le père de famille.
Pour lui, ce voyage lent, « où l’on prend le temps de découvrir des endroits que l’on ne découvrirait pas autrement, de discuter sur la route en pédalant » est aussi un moyen de se rendre compte de la vigueur du monde militant. « L’AlterTour, c’est l’anti vacances en Grèce, où on prend l’avion pour aller en club. C’est aussi la mise en réseau de gens en lutte, qui font un travail qui fait sens. J’ai l’impression qu’il y a un renouveau de la vie collective, notamment sur des questions d’autonomie alimentaire. Voir des fermes écolos qui marchent bien, ça donne envie », conclut Cyril.
- Complément d’infos :
. Si le tour est complet pour le mois de juillet, il reste encore quelques places du 14 au 20 août sur l’AlterTour mais aussi sur l’Échappée Belle organisée du 1er au 10 août.
Vanessa Vertus, Reporterre