Des dizaines de cyclistes se sont faits les porte-voix des victimes de la pollution des anciennes mines de zinc et de plomb de St-Félix-de-Pallières.
« Pas de plomb dans le Gardon ! Pas d’arsenic dans notre pique-nique !” L’arrivée vers 11 h 10, ce mercredi 2 août, d’une quarantaine de cyclistes foulards sur la bouche, brandissant une pancarte “Stop aux pollutions minières en Cévennes” a remué la très touristique Anduze.
Dans le cadre de l’Alter tour 2017, ils ont décidé de se faire les porte-voix des victimes de la pollution minière voisine, à Saint-Félix-de-Pallières, Thoiras et Tornac (*). “Je viens de Paris. Je connaissais la problématique des pollutions invisibles. Mais quand j’ai découvert celle de Saint-Félix, j’ai été totalement estomaquée”, explique l’altercycliste Danielle Fournier, bandeau “arsenic” sur le crâne.
les chemins de la transition – Un tour de France écolo en vélo
Au départ, en 2004, le collectif Alter campagne fédère les faucheurs volontaires, lors des Journées mondiales d’opposition des OGM. Quelques années plus tard, ses membres ont envie de partir à la rencontre de gens qui ont pris d’autres chemins, énergétiques, agricoles, sociaux, éducatifs, et qui l’assument. L’AlterTour, « un Tour de France sans dopage ni compétition, uniquement dans l’entraide et la bonne humeur » était né.
Depuis dix ans, des citoyens de tous pays, pédalent, tout l’été, du 8 juillet au 20 août cette année. De Toulouse à Valence, en passant par le Gard, dans les communes de Thoiras, Saint-Jean-du-Gard, Anduze, Ribaute-les-Tavernes (photos), Bessèges… Le thème de cette dixième édition ? “Sur les chemins de la transition”. « Sur place, on prend connaissance des luttes locales, dont on devient des relais et des porte-voix », souligne Mathieu Fromont, coordinateur de l’AlterTour.
Invités par une habitante de Ribaute
Une cinquantaine d’Altercyclistes ont été accueillis par Françoise Folcher, une habitante de Ribaute-les-Tavernes qui a prêté son terrain pour l’établissement de leur campement, ce mercredi. « Je ne connaissais pas le principe. J’ai été contactée par l’association Agir (Association gardoise pour les intérêts de la ruralité) de Saint-Christol-lez-Alès, et j’ai accepté (sur la photo, à droite, Martial Delannoy et Martine Roure-Biscarat, d’Agir).
En échange, ils m’ont donné un coup de main pour désherber et débroussailler mon terrain. C’est un bon échange ! S’il faisait moins chaud, j’aurais bien partagé un bout de route avec eux. » Louis Julian (à gauche sur la photo), vigneron bio à Ribaute-les-Tavernes, est aussi venu échanger avec les participants.
Dix-septième génération de paysans, l’homme est passé en viticulture bio en 1979. Désormais, ses deux fils, Thibaut et Simon, diversifient l’exploitation. L’un élève moutons, vaches et volailles, le second pratique le maraîchage avec sa compagne, Anne-Sophie. Cette diversification rassure quelque peu Louis Julian : « La monoculture est dangereuse. On essaie d’élargir, de devenir une ferme globale. Je redoute une nouvelle maladie des vignes, causée par le changement climatique. Il faut arrêter de faire la guerre à la nature. Quand elle va se rebiffer, ça nous coûtera cher. »
René et Monique, couple 200 % engagé
Originaire du nord de la France (Hazebrouck), René et Monique Fauvergue, participants de l’Alter tour, aident les plus fragiles depuis 1984. « Avec notre association, Espoir, on a commencé par chercher puis aménager des logements vides pour accueillir des personnes à la rue. »
Depuis des mois, le couple s’intéresse également au sort des migrants : « Chaque semaine, avec un groupe solidaire, on ouvre nos maisons aux migrants, principalement des Érythréens, afin qu’ils puissent se reposer et se doucher. On propose à ceux qui sont malades de passer la nuit. » La solidarité et la rencontre, moteurs de l’Alter tour, ne peuvent que correspondre à ce couple.
« J’ai l’impression que c’est le début de quelque chose »
Une chance, pour de nombreux habitants des zones touchées (dont des parents de jeunes enfants), qui ont porté plainte devant les juridictions administratives et pénales et n’osent pas médiatiser leur situation. Certains, pourtant, sont bien là, et participent ouvertement à la manifestation. Comme Wilhem et Christian Sunt, de l’espace d’accueil temporaire La Mine, qui ont sensibilisé les cyclistes à ce scandale. “Maintenant, on attend des autorités une vraie réponse, explique Christian Sunt. Qu’on nous explique ce qu’on va faire des sites pollués et qu’on nous propose des solutions d’habitations, dans les Cévennes.”
Au micro, l’un des habitants les plus impactés, Manuel Gomes, de Tornac, rappelle la lenteur de l’action étatique sur le dossier, et pointe une “absence de suivi” sur les enfants. Quelques touristes s’arrêtent, une dame âgée vient féliciter les manifestants pour leur action. “C’est bien de voir ça, souffle une des victimes. J’ai l’impression que c’est le début de quelque chose.”
(*) L’exploitation de mines de zinc et de plomb a entraîné une forte présence de plomb, arsenic, cadmium, antimoine… dans un vaste territoire situé autour des exploitations. Des habitants présentent des taux de métaux lourds anormaux dans le sang. À ce jour, quatre plaintes au tribunal administratif et 55 au pénal ont été déposées.