L’AlterTour est un voyage à vélo organisée en France depuis 2008. Un voyage engagé dans la construction d’un monde plus responsable. L’association Altercampagne en est l’instigatrice et chaque été, sur une période d’environ 45 jours (mais on peut aussi s’inscrire pour quelques jours), l’AlterTour propose d’aller à la rencontre d’alternatives concrètes menées par les populations locales (alternatives agricoles, économiques, éducatives, énergétiques, sociales, culturelles…). Ces voyages se font dans un objectif d’échanges et d’enrichissement mutuel. Dans ce cadre, le vélo est un moyen de faire le lien entre ces initiatives mais aussi de sillonner les régions de France (40 km par jour env), de prendre le temps de découvrir ses traditions, ses habitants et partager la vision d’un monde que nous aimerions transmettre à nos enfants.
L’AlterTour en quelques chiffres 2007/2016 :
- 260 bénévoles sur 10 ans
- 3 000h de bénévolat en 2016
- 2 000 participants cumulés
- Multi générationnel : de 2 mois à 79 ans
- 320 AlterCyclistes en 2016
- 400 jours cumulés de vélo
- 750 Alternatives rencontrées
- 17 000 km cumulés
Préparation du tour 2017, une organisation bien rodée
Dans les backstages de l’AlterTour
En décembre 2016, à peine installé sur Toulouse, je prend connaissance du futur itinéraire de l’AlterTour 2017. Un tour qui débutera cette année de « la ville rose », une aubaine pour moi qui souhaite découvrir la vie associative de la région. Un premier email à Mathieu Fromont, coordinateur de l’AlterTour depuis sa premier édition et me voila invité à la prochaine réunion Skype. Les premières semaines sont difficiles, beaucoup de vocabulaire à intégrer, une organisation très bien rodée qui s’est affinée avec les années. D’ailleurs la majorité des bénévoles sont d’anciens participants de l’AlterTour.
Le choix des préparateurs d’étapes pour les quarante cinq jours de l’aventure se fait naturellement, au fil de l’eau. Nos échanges se font avec en support un document partagé reprenant l’agenda du tour jour par jour. Au début beaucoup d’indicateurs sont au rouge, on retrouve les informations sur les préparateurs d’étape, les villes étapes, les alternatives rencontrées, le nombre de kilomètres prévu, les itinéraires, etc… J’en profite pour m’inscrire comme préparateur d’étape sur les six premiers jours. Elsa forte de ses quatre participations à l’AlterTour se joint à moi sur cette période. Elle maîtrise le jargon et fait preuve d’une organisation sans faille, un sacré coup de pouce pour me guider dans le labyrinthe des terminologies Alter et dans le démêlage des tâches.
Les réunions Skype se succèdent toutes les deux semaines environ. On y fait le détail de la préparation des étapes. Chaque journée de l’agenda est passée en revue. Identification des points bloquants, partage des bonnes nouvelles, passage de bons plans. Un moment où l’on apprend aussi à se connaitre. A l’approche du printemps des réunions plénières sont organisées aux quatre coins de la France. L’occasion de mettre des visages sur des noms et prendre des décisions sur des sujets plus généraux. D’autres rencontres sont organisées pour l’entretien de la vingtaine de vélos destinés aux participants de l’AlterTour, une autre pour réaliser l’inventaire du matériel, préparer le camion et la voiture balais.
Tu seras préparateur d’étape !
Parmi les missions du préparateur d’étape on retrouve :
- Prise de contact avec des alternatives locales et réflexion sur les activités qu’il serait possible de proposer (ateliers, visites, projections, débats, concerts)
- Recherche de lieux d’accueil pour l’installation du campement. Identification d’un espace pour une quarantaine de tentes, de deux toilettes sèches, un point d’eau pour les douches et un espace pour le camion et l’espace cuisine
- Planifier les itinéraires cyclables avec l’objectif de proposer un tracé accessible à tous et avec une sécurité maximum (cartes et tours de repérage)
- Identification de lieux de pause déjeuner pour la préparation des repas et le réapprovisionnement en eau (contacter les municipalités, associations locales)
- Recherche de primeurs ou producteurs locaux pour le réapprovisionnement en produits bio et locaux (fromages, pains, fruits et légumes) Contacter bien à l’avance pour permettre d’anticiper les quantités nécessaires à planter
La notoriété de l’AlterTour m’a agréablement surpris lors de nos recherches. Beaucoup des alternatives contactées connaissaient l’événement et étaient ravies de nous rencontrer. Il est vrai que l’édition 2012 était passée par Toulouse et notre carnet d’adresses reprenait plusieurs des alternatives de cette édition.
Lorsqu’une alternative est d’accord pour nous accueillir, nous lui demandons généralement d’être force de proposition sur le fond et la forme de notre future rencontre. Pas toujours évident pour des structures n’ayant jamais accueilli un groupe de cyclistes itinérants. Il faut effectivement intégrer un temps pour permettre aux alter-cyclistes d’installer le campement, se laver, se reposer les jambes. Finalement, il ne reste pas énormément de temps après une visite pour d’autres activités. La soirée se poursuit souvent autour d’un fond musical, d’un repas partagé. Un contexte parfait pour permettre a ceux qui le souhaite de poursuivre la conversation. Lorsque nous sommes accueillis plusieurs jours il est alors envisageable de proposer des ateliers et chantiers participatifs.
L’organisation des six jours nous aura finalement occupé pendant les six premiers mois de l’année.
Dimanche 9 Juillet 2017, Toulouse
Organisation d’une journée à la découverte d’une vingtaine d’alternatives toulousaines en collaboration avec l’association Via Brachy. Une dizaine de groupes de cyclistes ont ainsi sillonné la ville à la rencontre d’alternatives sur des thématiques variées (Cinéma indépendant, recyclage de matériaux de chantiers, jardins partagés, ateliers vélos et beaucoup d’autres). Retrouvaille le soir même pour partager sur la journée et faire la fête. Une journée aux couleurs de l’Europe avec la participation de siciliens, grecques et portugais venus participer au « voyage en hétérotopie » organisé par Via Brachy.
Lundi 10 juillet 2017, Montaigut sur Save
Découverte de la ferme de la Bouzigue, ferme pédagogique et lieu de promotion de l’éducation à l’environnement.
Au programme découverte du potager écologique, des animaux de la ferme et des deux jeunes alpagas. Une rencontre animée par le duo Valerie & Valerie pétillantes et passionnantes. L’après midi se poursuit avec le concert du célèbre pianiste nomade Marc Vella. Marc a parcouru environ 200 000 km en 25 ans accompagné de son fidèle piano. Nous poursuivons la soirée au rythme de « la caravane amoureuse » film documentaire retraçant le voyage de Marc en Inde.
Mardi 11 juillet 2017, Beaumont sur Leze
Une première rencontre en milieu de journée avec les militants de « Non à Val Tolosa ». Un collectif citoyen qui milite depuis plus de dix ans pour la préservation d’une zone d’accueil de plusieurs espèces de plantes protégées mise en péril par le projet de centre commercial qu’ils sont en voie de remporter.
Après un itinéraire animé par les champs de tournesol nous rencontrons les habitants de Mas Coop, une coopérative d’habitants avec un projet d’habitat partagé dans un lieu paradisiaque. Un accueil survitaminé avec en point d’orgue une soirée musicale enflammée par Rémi Mouillerac, guitariste et chanteur reconnu sur la scène toulousaine.
Mercredi 12 Juillet, Cazéres
Après une journée vallonnée nous rencontrons les habitants de l’an 01, une coopérative d’habitants créé en 2014, installé dans un ancien corps de ferme du début du siècle. La propriété est entourée d’une zone maraîchère et céréalière, exploitée par deux des membres du collectif, Alban le maraîcher et Diego le paysan-boulanger. Installation du campement suivi d’une présentation du lieu et des activités maraîchères avant de partir en centre ville pour rencontrer le groupe d’opposants à la réouverture de la mine de Salau. Une mine de tungstène fermée il y a une trentaine d’années. Une exploitation principalement destinée à l’industrie militaire. Plus qu’un problème environnemental, c’est la santé des mineurs qui est directement en jeux avec des risques avéré de d’asbestose et de cancer.
Grosso modo comment se passe une journée d’un alter-cycliste?
Un planning bien ficelé
L’emploi du temps de chaque journée est réfléchis bien en amont. Il est construit en fonction des disponibilités des accueillants, des activités que l’on souhaite proposer, des distances à parcourir. Il est aussi régis par les temps de trajet à vélo ( 10 km/h de moyenne), des temps de pause, des briefings, des pauses repas. Le détail de chaque journée est ainsi savamment organisé et visible sur l’agenda de l’AlterTour. Il permet à chacun de se faire une idée du déroulement des journées et de pouvoir au besoin retrouver le groupe en cours de route.
L’AlterTour fonctionne de manière autogéré, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de structure hiérarchique de commandement, ni d’individu qui occupe un rôle prédéfini. Il y a effectivement des référents mais ils n’ont d’autres rôles que de donner des indications. Ainsi chaque soir un briefing est organisé avec pour ordre du jour le remplissage du tableau des postes du lendemain. Une quarantaine de tâches sont à pouvoir au quotidien
- Préposés au réveil de l’ensemble du groupe (en règle générale, un réveil au son d’un instrument de musique)
- Cuisiniers pour le petit déjeuner, déjeuner, dîner
- Poste de maître du temps (Il connait le planning et intervient pour prévenir d’un dépassement du temps)
- Préposés à la vaisselle
- Postes de conducteur des deux véhicules
- Poste réparateur vélo
- Poste montage/démontage des toilettes sèches
- Poste journaliste du jour
- Poste rangement de l’équipement dans le camion
- …
C’est donc à chacun de s’impliquer pour contribuer à la bonne marche de l’AlterTour. Les postes tournent chaque jour et l’on constate que la majorité joue le jeu. L’organisation du tour se fait de la bonne volonté de l’ensemble du groupe. C’est un équilibre qui parait fragile mais qui fonctionne depuis la toute première édition.
On the road
Sur la route c’est aussi tout une histoire, là encore l’autogestion est de rigueur, il y a bien un guide en tête de file, pas forcement le ou les préparateurs de l’étape du jour mais en général une personne familière de la région. Un alter-cycliste se propose aussi pour jouer le rôle de « serre-file ». Il clôture le peloton et dispose d’une boite à outils et à pharmacie pour palier a toutes avaries. Entre ces deux portes drapeaux le groupe s’étire au rythme des sportifs et des flâneurs. Il y a déjà eu plus d’une heure d’écart entre les deux extrémités de la file mais tout le monde arrive à bon port. Et comment faire pour ne pas perdre un cycliste aux intersections ? Et bien c’est là qu’interviennent les « flèches humaines ». Le guide doit toujours être suivi de prêt par plusieurs alter-cyclistes, à l’approche d’une intersection un des suiveurs s’arrête spontanément pour montrer le chemin au reste de la caravane.
Bref !
Bref ce premier pas dans l’univers AlterTour m’a ouvert les yeux sur un monde d’alternatives avec beaucoup de bonnes idées. Il a fallu franchir plusieurs portes, s’accrocher pour décrypter les terminologies du monde « alter » avant d’apprécier l’importance du réseau d’alternatives et les interconnexions qui le font vivre. C’est aussi et surtout une aventure humaine où l’on se plait à découvrir des personnes porteuses de projets responsables, avec une volonté de limiter leur impact environnemental et développer une société plus équitable. Ces gens investissent leur temps et leur énergie dans un but idéologique, c’est aussi un domaine en pleine effervescence où chacun peut venir s’exprimer et proposer de nouvelles idées. J’aime découvrir ces projets où l’on imagine d’autres manières de vivre, de consommer. Ils n’ont pas forcement vocation à changer le monde mais ils permettent de développer un esprit critique sur notre société et d’imaginer des solutions pour l’améliorer. En tout cas une chose est sûre, je serai là pour l’édition AlterTour 2018.
Merci à toute l’équipe AlterTour !
Virgile, Le Carnet des possibles